Avec à son actif un catalogue d’albums comptabilisant plus de 14 millions d’exemplaires vendus à travers le monde, l’auteure-compositrice-interprète canadienne lauréate de nombreux prix, Loreena McKennitt, annonce son intention de suspendre provisoirement sa carrière artistique dans le but de concentrer tous ses efforts sur deux grands enjeux de société, soit les effets néfastes de la révolution numérique et la menace que pose le réchauffement de la planète.
« En tant que mère, en tant que citoyenne, je ne peux pas, en toute bonne conscience, tout simplement rester là à ne rien faire, déclare Loreena. Je crois profondément que toute personne civique a son rôle à jouer en temps de crise, et actuellement il me semble que nous sommes appelés à lutter sur deux fronts en priorité. Nos chances de réussite seront à la mesure de notre capacité à s’imposer des sacrifices. »
« Je ne fais qu’interrompre momentanément mes activités artistiques parce qu’il est grand temps que je prenne fermement position sur deux problèmes que j’estime prioritaires », ajouta l’artiste autogérée alors qu’elle expliquait ses projets d’avenir aux membres du Rotary Club de Stratford le 26 septembre dernier.
Dans cette allocution transcrite sous le titre, Facing the Music: Unintended Consequences of the Digital Age, Loreena attira avant tout l’attention de l’auditoire sur le manque d’encadrement de l’explosion du numérique. L’artiste suggéra que c’est dans ce vide réglementaire que s’est produit le bouleversement des modèles économiques de l’industrie musicale, la dégradation inquiétante de certains régimes démocratiques à travers le monde, la prolifération de fausses nouvelles en ligne, ainsi que la multiplication des atteintes à la vie privée occasionnées par l’utilisation abusive des données personnelles et par le capitalisme de surveillance. Par extension, la chanteuse souleva aussi de nombreuses questions en rapport avec les effets néfastes, voire dévastateurs, du virage numérique sur la santé psychologique, l’apprentissage scolaire et l’estime de soi de nos enfants, et par le fait même, sur nos vies familiales indirectement remuées par ces vents de changement.
Ces axes sont au cœur des préoccupations sociales de Loreena depuis déjà très longtemps. Ainsi, dans la foulée des révélations sur l’utilisation abusive des données personnelles recueillies par la plateforme Facebook, la chanteuse avait pris la décision de quitter complètement ce réseau social en avril 2018 afin de protéger l’intégrité des 596 000 internautes abonnés à sa page d’artiste.
Dans sa toute récente entrevue avec un journaliste du quotidien La Presse, elle souligne que sa décision de mettre sa carrière d’artiste en veilleuse n’est nullement un coup de tête, mais bien une résolution « longuement mûrie ».
Loreena n’a jamais été de celle qui se défile devant les défis de taille, quelle que soit l’ampleur de la controverse autour d’un enjeu en particulier. Ainsi, elle a mené de front des combats en lien avec les questions de droits d’auteur et d’une loi sur la vie privée. À l’avenir, elle publiera les comptes rendus de ses actions sur son site Web officiel et dans son projet Stolen Child, lequel propose de mettre en lumière certaines incidences de la révolution numérique sur les enfants et les familles.
« Tout au moins, explique-t-elle, j’ai l’intention de créer des alliances avec le nombre croissant d’experts et de leaders issus de champs disciplinaires distincts, y compris des industries numériques, car c’est en fédérant nos efforts que nous réussirons, d’une part, à inciter nos élus à vivement élaborer et mettre en œuvre des cadres réglementaires numériques pertinents, et d’autre part, à sensibiliser le grand public sur les dangers potentiels du progrès lorsque nous laissons les avancées technologiques devenir des forces incontrôlées. »
« En ce qui a trait à l’urgence climatique, il ne fait aucun doute que je vais devoir redoubler d’efforts dans ma propre vie personnelle et professionnelle, car même si j’estime avoir posé des gestes salutaires depuis plus de dix ans, nous savons tous qu’il y aura toujours plus à faire : l’engagement écologique est un travail interminable. »
S’inscrivant dans le prolongement d’une des tournées les plus réussies de sa carrière, tout indique que cette réorientation arrive à un moment propice pour Loreena. En effet, la tournée de son album Lost Souls l’a d’abord menée à donner des concerts dans trois pays d’Amérique du Sud en automne de l’année passée, puis à jouer 16 dates en Europe au printemps et en été de cette année, comptabilisant à ce jour un auditoire de plus de 80 000 spectateurs. Pour conclure cette tournée, la troisième partie de son itinéraire la conduira dans plusieurs villes d’Ontario et du Québec dès la fin du mois d’octobre, avec un dernier concert prévu le 3 novembre prochain.
Depuis ses débuts, le catalogue d’albums de Loreena a récolté des certifications or, platine et multi-platine dans quinze pays répartis sur quatre continents. Aussi, l’artiste a été mise en lice pour deux prix Grammy et a remporté deux prix Juno au cours de sa carrière.
Elle a acquis et dirige le Falstaff Family Centre à Stratford, en Ontario. En 2014, Loreena a été nommée colonelle honoraire de l’Aviation royale canadienne. Elle a également été décorée de l’Ordre du Canada (2004) et de l’Ordre du Manitoba (2003), et a été récompensée des médailles commémoratives du jubilé d’or et du jubilé de diamant de la reine Élizabeth II. Pour finir, elle a obtenu le grade de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres de la République française en 2013.
