Les nouveaux arrivants noirs au Canada ont fondé des dizaines de communautés et de colonies, dont plusieurs sont peu connues. Or, entre les années 1700 et le début des années 1900, de petites vagues de Noirs américains ont voyagé vers le nord à la recherche de terres, de possibilités et de liberté.

Pour la 13e émission de sa série de timbres sur le Mois de l’histoire des Noirs, Postes Canada présente les histoires de deux de ces communautés moins connues : Willow Grove, au Nouveau-Brunswick, et Amber Valley, en Alberta.

La fondation de Willow Grove
Pendant la guerre de 1812, les Britanniques avaient offert aux esclaves afro-américains leur liberté ainsi que des terres en échange de leur soutien. Plusieurs ont saisi l’occasion, dont près de 400 hommes, femmes et enfants qui ont voyagé vers le nord à bord du HMS Regulus jusqu’au Nouveau-Brunswick en 1815.

Finalement, 74 des loyalistes ont reçu des terres à l’extérieur de Saint John, dans ce qui est devenu la communauté de Willow Grove. Toutefois, les lots étaient beaucoup plus petits que ceux accordés aux Blancs, et la terre était de si mauvaise qualité qu’on pouvait à peine la cultiver. De plus, ils ne pouvaient pas en être propriétaires. Les réfugiés noirs recevaient plutôt des permis d’occupation, qui étaient essentiellement des baux de trois ans.

Pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, plusieurs d’entre eux devaient se rendre à Saint John pour chercher du travail. Mais là aussi, ils ont rencontré des obstacles. Des restrictions racistes les empêchaient d’habiter la ville, de posséder une entreprise et de voter. Malgré ces défis, ils ont persévéré.

« Ils ont pris pied à Willow Grove et ont fait de leur mieux pour développer une communauté », explique Ralph Thomas, cofondateur et coordonnateur de programmes à la New Brunswick Black History Society. « Les gens ont tenu le coup jusqu’à ce qu’ils réussissent. C’était l’un des débuts de la diversité. »

Surmonter les obstacles
Les habitants de Willow Grove étaient déterminés à défendre leurs droits et à bâtir sur les libertés qu’ils avaient acquises après la guerre. Dix ans après leur arrivée, ils ont reçu des baux de 99 ans sur le terrain. Une décennie plus tard, en 1836, ils ont obtenu le droit d’acheter les titres de propriété.

À la fin des années 1800, Willow Grove était devenue une communauté agricole établie, comptant 150 résidants, une église, un bureau de poste et un magasin général.

« Les gens de Willow Grove étaient travaillants. Malgré tous les obstacles qu’ils ont dû surmonter, ils sont restés forts », affirme Sylvia Seales, qui à 77 ans vit toujours sur la terre achetée par ses grands-parents, Edward et Frances Roche. À l’époque, la propriété comprenait des vaches, des chevaux et un grand potager qui « devait être désherbé chaque jour ». Elle était aussi située à proximité d’une source, d’où ils pêchaient le hareng et ramenaient de l’eau sur un traîneau.

Elle se souvient que chaque dimanche après le service religieux, les membres de la communauté se réunissaient chez eux pour le dîner, même ceux qui étaient partis habiter en ville. « Tout le monde s’occupait les uns des autres. Ils traitaient simplement les autres comme ils voulaient être traités. »

À mesure que d’autres débouchés économiques se sont ouverts ailleurs pour les Canadiens noirs, de nombreux résidants de Willow Grove ont quitté la communauté pour améliorer davantage leur vie et celle de leurs enfants.

L’histoire d’Amber Valley
Au début des années 1900, le Canada invitait les gens à venir s’établir dans les provinces de l’Ouest. Au même moment, dans le Sud des États-Unis, les lois racistes Jim Crow écrasaient les perspectives des résidants noirs.

Dans l’Oklahoma, où les lois Jim Crow s’imposaient, un groupe de Noirs américains ont entendu parler des possibilités offertes au Canada. Le pasteur Henry Sneed – qui figure sur le timbre – s’est rendu en Alberta pour explorer la région. À son retour, il a aidé à organiser un groupe d’une trentaine de familles voulant faire le trajet.

« Ils voulaient simplement leur liberté », indique Myrna Wisdom, de la Black Settlers of Alberta and Saskatchewan Historical Society. « Ils voulaient simplement un endroit qui leur appartienne. »

L’arrivée des pionniers noirs a choqué le gouvernement et provoqué une réaction négative, qui a notamment entraîné la mise en œuvre de restrictions temporaires pour empêcher d’autres Noirs américains de venir au pays.

Cependant, l’accord sur les terres a été respecté. Les nouveaux arrivants ont reçu des terres dans la région isolée de Pine Creek (rebaptisée plus tard Amber Valley) à l’est de l’Athabasca pour s’y établir, même si la terre était loin d’être idéale. Cette terre éloignée et accidentée avait déjà été rejetée par les colons européens de la région. Toutefois, les familles se sont mises au travail, se regroupant pour défricher à la main les arbres, les broussailles et les denses fondrières.

Pour rester au chaud tout au long des froids hivers, les nouveaux arrivants ont construit de basses cabanes en bois rond avec peu de fenêtres et d’épaisses fondations. Certains recouvraient leur maison de terre ou de neige pour une isolation supplémentaire pendant l’hiver.

Construire une vie meilleure
Au fil du temps, ces pionniers ont bâti une colonie dynamique, dirigée par des membres éminents de la communauté, dont Henry Sneed, Jordan Murphy et Willis Bowen. Un bureau de poste, une école et une église ont été construits. La sage-femme Amy Broady, qui est également en vedette sur le timbre, parcourait la région à cheval. Et l’équipe de baseball d’Amber Valley est devenue célèbre dans la région.

Les joueurs ont affronté d’autres équipes des communautés blanches voisines, et selon les descendants, ce sport a permis de renforcer les relations entre les différentes communautés.

À son apogée, Amber Valley comptait près de 350 résidants. Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, beaucoup sont partis à la recherche de meilleures possibilités dans les villes environnantes.

L’héritage
Dans l’ensemble, ces communautés ont permis à leurs résidants et à leurs enfants de prendre pied au Canada. Bon nombre de leurs descendants ont fait de riches contributions d’un océan à l’autre, renforçant ainsi le tissu diversifié du Canada que nous célébrons aujourd’hui.

À Willow Grove, la colonie noire historique est aujourd’hui honorée par une réplique miniature de l’église baptiste, qui a brûlé en 1931. Les visiteurs découvriront également une sculpture représentant trois grandes croix blanches, qui marquent le lieu où seraient enterrés quelque 40 résidents de la colonie.

La région elle-même ressemble très peu à ce qu’elle était au début. « Nous sommes l’une des dernières familles noires qui vivent ici », explique Mme Seales, ajoutant qu’au cours des dernières années, elle a remarqué que certaines ont commencé à revenir.

En Alberta, il ne reste pas grand-chose d’Amber Valley aujourd’hui. Bien que ses descendants soient répartis partout au Canada, l’esprit de son histoire demeure vivant.

« Amber Valley a vraiment capté l’imagination des jeunes artistes noirs du Canada », affirme l’auteure et cinéaste Cheryl Foggo. « Il y a des cinéastes, des dramaturges et beaucoup de jeunes qui veulent raconter l’histoire d’Amber Valley parce que c’est une histoire incroyablement importante. »

Les visages sur les timbres
Le timbre sur Willow Grove s’inspire de photos de deux résidants de longue date : Alexander Diggs (vers 1900) et Eliza Taylor (1872). La vignette montre également le HMS Regulus, sur lequel des réfugiés afro-américains sont arrivés à Saint John en 1815 pour fonder la communauté. À l’arrière-plan se trouve le port de la ville, basé sur une aquarelle d’archives, ainsi qu’une carte de la région, avec l’emplacement de Willow Grove marqué par une étoile.

Le timbre consacré à Amber Valley met en vedette trois membres importants de la communauté : le pasteur Henry Sneed (vers 1910), Jordan W. Murphy, en compagnie de son arrière-petite-fille Bernice Bowen et de sa petite-fille Vivian (Murphy) Harris (date inconnue), et Amy Broady (vers 1925). Le pasteur Sneed et Jordan Murphy ont dirigé la colonie initiale d’Amber Valley, tandis qu’Amy Broady était une sage-femme qui servait la communauté grandissante. L’avant-plan montre des chariots ressemblant à ceux utilisés par les colons et un paysage qui évoque leur voyage d’Edmonton à leur nouvelle terre. L’arrière-plan montre une carte de l’Alberta, avec l’emplacement d’Amber Valley marqué par une étoile.

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