Homme de théâtre, comédien et écrivain algérien, Fellag vient de publier Un espoir, des espoirs. Présenté sous forme d’un dialogue entre deux personnages rencontrés dans un bistro de Ménilmontant, à Paris, l’espoir est l’acteur principal. Pendant que l’un demande des conseils pour rentrer s’installer en Algérie: « ça licencie, ça explose de partout. Pourtant formidablement huilée, la machine France, une merveilleuse horlogerie de créativité et de savoir-vivre, se grippe sérieusement….l’image est un peu osée, mais on dirait que le peuple français un peu entreprenant, si inventif, est frappé aujourd’hui d’une sorte de sidération. L’Europe se casse les dents…Comme il n’y a pas beaucoup, pour ne pas dire du tout, de perspective…Alors, voilà, l’idée de partir au bled dans l’intention de m’y installer me trotte dans la tête depuis quelques temps…C’est un pays jeune, riche…Ya tout à faire » . L’autre relate l’Histoire de l’Algérie qui tantôt voit l’espoir déprimé voulant quitter le pays et tantôt il est optimiste et sollicité par tout le monde: « Oui…Pourtant…Bien que son aura fût extraordinaire, il pouvait devenir aussi impuissant qu’un eunuque.

Au fond il n’est qu’un bouffon des rois, un roturier qui bluffe et bouffe à tous les râteliers. C’est une marionnette entre les mains des puissants qui se débarrassent de lui dès qu’ils n’ont plus besoin de ses services. Je me souviens d’une longue période très sombre politiquement où il fut chassé comme un vaurien des hautes sphères des gouvernants. Il menait alors une vie des plus misérables » . L’espoir entre les mains des présidents: L’espoir est souvent considéré et quelquefois jeté comme un malpropre. Dans cet entre d’eux, les présidents qu’a vu défiler l’Algérie, ont alimenté le peuple soit de l’espoir soit du désespoir: « (…) En 71, Boumediène avait nationalisé la production pétrolière. Cet acte héroïque, sans précédent pour un pays du tiers-monde, eut un gigantesque impact planétaire. Boumediène fit en grande pompe son entrée dans l’Olympe des dirigeants autoritaires et charismatiques. Puis, en 73, son discours culotté à l’ONU où il tint tête aux puissants de ce monde finit par le déifier. L’espoir n’avait plus aucune chance. Il était cuit. Totalement disqualifié, sa fonction désormais assurée par un autre, il ne représentait plus aucun danger pour le Pouvoir. Quelques jours plus tard il fût relâché » . Dans ce dialogue que nous considérons comme un prétexte pour dévoiler tout ce qui s’est déroulé en Algérie, Fellag conclut par une phrase qui a tout son sens: « Moralité: Malheureux les peuples qui ne comptent que sur l’Espoir pour s’en sortir » .

Lamia Bereksi Meddahi (L’initiative)

[1]Fellag, Un espoir des espoirs, Ed/Lattès, 2014, p.13.

[2]Id, pp. 27-28.

[3]Ibid, p. 65.

[4]Ibid, p. 108.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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