Comment retrouver la poésie dans une des mégalopoles des plus imposantes de l’Amérique latine ? Alonso Ruizpalacios en sait quelque chose. Il nous dépeint un portrait intime de la ville de Mexico avec brio. Güeros[1] est un road movie en ville qui est aussi une réflexion sur les préjugés « classistes » et « racial/ethniques » qui pénètrent de fond en comble la société mexicaine.

1999. La grève à l’UNAM[2] bat son plein. Elle marque un temps d’arrêt… Long et pénible pour certains ; crucial pour d’autres. Deux jeunes hommes (Sombra et Santos) se retrouvent isolés dans un appartement à « faire la grève » contre… la grève. Le petit frère de Sombra, Tomás, arrive et les fait sortir de leur passivité. Ils partent à la recherche d’une rock star et, en chemin, retrouvent Ana. Leur quête devient ainsi personnelle : qu’est-ce qu’on doit faire pour dire qu’on est là, qu’on existe ?

Le tournage du film en noir et blanc donne l’impression d’un temps révolu. D’une nostalgie certaine. Mais pas n’importe laquelle. Il s’agit d’une nostalgie ancrée dans le présent.

Ruizpalacios est à son premier long-métrage. Il signe là un film important dans le cinéma mexicain[3]. En abordant un sujet controversé comme celui de la grève de l’UNAM, il fait ressortir les tensions qui parcourent ce genre d’action sociale. Les mouvements contestataires ne sont pas en effet exempts de préjugés (classistes, racistes, sexistes, etc.) qu’ils prétendent enrayer.

En outre, la ville de Mexico, elle, est vue sous un nouveau jour. Comme quoi, chaos et poésie peuvent faire bon ménage. Une nostalgie du présent – nous disons – qui est bonne à ressentir.

En somme, Güeros est un excellent film que nous souhaitons voir dans nos salles après le FCLM 2015.

GÜEROS (Mexique, STA) Réal./ dir.: Alonso Ruiz Palacios (2014) 106 min. Avec / with Tenoch Huerta, Sebastián Aguirre, Ilse Salas et Leonardo Ortizgris. Version originale espagnole avec s.-t . anglais

Eduardo Malpica Ramos

[1] Güer@, terme mexicain pour désigner une personne blanche.

[2] Une réforme du Règlement des frais d’inscription déclenche la grève. Selon les critiques, la réforme ouvrait la porte à la privatisation de l’Université au Mexique. La grève dura plus de 10 mois.

[3] Récemment, Güeros a raflé toutes les catégories (meilleur film, directeur, acteur, actrice, photographie, etc.) de l’Académie mexicaine des arts et des sciences cinématographiques pour le prix Ariel. Prix qui est remis au pays depuis les années 60.

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