L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) publiait le 12 janvier dernier une étude montrant les risques de la croissance fulgurante de l’industrie privée de la télésanté sur le système public de santé. Or, plutôt que de refermer les brèches légales favorisant cette tendance inquiétante comme le recommandait notre étude, le gouvernement Legault a choisi d’ouvrir toute grande la porte à cette nouvelle forme de médecine privée à but lucratif, laissant craindre l’émergence d’un véritable système de santé à deux vitesses au Québec.

Une modification du cadre réglementaire adoptée en catimini
Le 7 décembre dernier, le gouvernement Legault a adopté par décret une modification de la Loi sur l’assurance maladie qui officialise l’extension de la couverture publique aux services de télémédecine qui avait été temporairement accordée au début de la pandémie. Toutefois, en raison de cette modification – entrée en vigueur le 1er janvier dernier – les services médicaux en téléconsultation peuvent aujourd’hui être couverts par des régimes privés d’avantages sociaux ou d’assurance collective même s’ils sont déjà couverts par le régime public. Les médecins du régime public sont également désormais autorisés à vendre leurs services aux entreprises privées de soins virtuels.

« Ces modifications, adoptées suite à des pressions directes de l’industrie auprès du gouvernement, sont complètement passées sous le radar et n’ont fait l’objet d’aucun débat public. Pourtant, elles sont en contradiction flagrante avec l’esprit de la loi puisqu’elles ébranlent deux piliers fondamentaux du système public de santé québécois, soit l’interdiction de la pratique mixte (publique-privée) pour les médecins et l’interdiction des assurances duplicatives », affirme Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS.

Un décret qui encourage le développement d’un système de santé à deux vitesses
Différentes interdictions réglementaires de la Loi sur l’assurance maladie ont été mises en place pour s’assurer que les ressources professionnelles existantes soient mises à la disposition de l’ensemble de la population et prévenir leur détournement du réseau public par des entreprises à but lucratif du secteur de la santé.

« Le décret adopté derrière des portes closes par le gouvernement sert certainement l’intérêt de ceux et celles qui espèrent tirer profit du développement d’un marché lucratif de la santé. Il constitue cependant une brèche majeure dans l’édifice réglementaire permettant d’éviter le développement au Québec d’un système de santé à deux vitesses. En cela, il devrait être un objet de préoccupation pour l’ensemble de la population », soulève Anne Plourde.

Croissance fulgurante de l’industrie privée de la télésanté : une menace pour le système public
Depuis le printemps 2020, certains fournisseurs privés de soins virtuels ont vu leurs chiffres d’affaires quintupler ; leurs dépenses en rémunération ont quant à elles crues entre 200 % et 900% depuis deux ans. L’augmentation importante des dépenses en rémunération montre que ces entreprises sont engagées dans des opérations de recrutement qui risquent de priver le réseau public, déjà aux prises avec une importante pénurie de main-d’œuvre, de ressources professionnelles précieuses.

Comme le démontre l’étude publiée le 12 janvier dernier, le gouvernement Legault, Investissement Québec et la Caisse de dépôt et placement n’ont pas hésité à soutenir financièrement l’essor de certaines entreprises de soins virtuels et ce, malgré les risques que pose cette industrie pour la pérennité du système public et l’accès équitable aux services.

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