Intervention de M. Ali Benflis, Président de Talaie El Hourriyet, à la rencontre de Touggourt portant sur le thème de « l’effectivité du rôle de la femme dans la société, entre son présent et son avenir ».

 

 

Touggourt, le 17 Décembre 2016

Mesdames et Messieurs les membres du Bureau politique et du Comité Central ;

Mon cher frère et fidèle compagnon, Si Mohamed Chenin coordonateur du Bureau Territorial du Parti;

Mesdames et Messieurs les membres du Bureau territorial ;

Mesdames et Messieurs les Secrétaires, Coordonateurs et membres des Bureaux Communaux;

Chères militantes et chers militants ;

Chères concitoyennes et chers concitoyens.

Je vous remercie pour la chaleur de votre accueil et pour les marques fraternelles de bienvenue que vous nous témoignez. Vous nous entourez d’une sollicitude toute familiale et c’est bien à une même famille que nous avons le sentiment d’appartenir. Tous les sentiments de reconnaissance et de gratitude que je peux vous témoigner, aussi profonds et aussi sincères soient-ils, ne vous rendront qu’imparfaitement justice car je vous connais bien et je sais qu’en nous ouvrant vos bras vous nous ouvrez aussi vos cœurs.

Je tiens à féliciter devant vous mon frère et mon compagnon Si Mohamed Chenin ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont pris l’initiative de nous réunir aujourd‘hui pour nous permettre de nous entretenir de ce à quoi nous sommes tous le plus attachés ; et à quoi sommes nous le plus attachés sinon à l’Algérie pour laquelle nous avons un amour infini ; pour l’Algérie qui nous remplit de fierté lorsqu’elle va bien et qui nous préoccupe au plus haut point aussitôt qu’elle va mal ; pour l’Algérie qui aussitôt qu’elle va mal nous amène spontanément à nous lever pour lui tendre la main et l’aider à surmonter l’adversité et l’épreuve ; pour l’Algérie qui dans nos rêves les plus beaux ne peut être que prospère, forte et respectée ; et pour l’Algérie pour laquelle les ambitions les plus grandes ne sont pas inatteignables.

Nous nous réunissons aujourd’hui autour d’une thématique de la plus haute importance et cette thématique est celle de l’effectivité du rôle de la femme dans la société entre son présent et son avenir.

Croyez-moi, lorsque je souligne que cette thématique est de la plus haute importance je ne le fais pas pour la forme et par convenance ; je ne le fais pas parce que je m’adresse à un auditoire majoritairement féminin ; je ne le fais pas non plus seulement parce que les droits de la femme sont à la mode et qu’ils constituent un critère pour distinguer politiquement le prétendu réactionnaire du prétendu progressiste en cette matière.

Non, je soutiens que la problématique du rôle de la femme dans la société est de la plus haute importance parce que c’est ma conviction personnelle la plus profonde.

En effet, je suis intimement convaincu qu’une société qui ne reconnait pas le rôle de la femme en son sein est une société qui renonce à la mobilisation optimale de son potentiel humain et qui se prive de l’apport de la moitié d’un gisement de ressources et de capacités inestimables. Il y a aussi l’Etat de droit en lequel je crois et pour lequel je me bats depuis toujours ; cet Etat de droit tel que je le conçois ne mériterait pas son nom  s’il devait finalement n’être qu’un Etat de droit pour l’homme et un Etat de non droit pour la femme. Il y a, enfin, les exigences de la modernité politique. Chacun choisit le camp politique qu’il veut. J’ai choisi le mien depuis longtemps. Et mon camp est celui de ceux qui s’emploient à sortir notre pays de l’archaïsme politique et le faire entrer dans l’ère de la modernité politique. Or la modernité politique ne peut se concevoir sans la femme pour entretenir sa dynamique et atteindre ses  buts.

Comme toutes les sociétés humaines notre société a ses racines dont elle est fière ; elle a ses valeurs qu’elle protège et qu’elle défend. Elle a ses traditions authentiques auxquelles elle tient et qu’elle veut perpétuer ; et elle a ses repères moraux qui la guident vers l’accomplissement de son destin. Rien dans ces racines, dans ces traditions, dans ces valeurs et dans ces repères moraux ne justifie la condition fondamentalement inégalitaire et injuste imposée  à nos mères, à nos épouses, à nos sœurs ou à nos filles.

Rien dans ces racines, dans ces traditions, dans ces valeurs et dans ces repères n’a interdit à la femme algérienne de partager les sacrifices de ses frères hommes dans les moments de grande épreuve pour le pays, et en particulier l’épreuve coloniale. Dans cette épreuve, la femme algérienne a été l’égale de son frère algérien ; tout comme lui, elles ont été nombreuses à prendre les armes et à rejoindre les maquis ; tout comme lui, elles ont été emprisonnées ; tout comme lui, elles ont été réprimées lorsqu’elles manifestaient ; tout comme lui, elles ont été torturées, et tout comme lui, elles sont tombées en martyrs pour la liberté de cette terre bénie de Dieu.

Rien donc dans ces racines, dans ces traditions, dans ces valeurs et dans ces repères ne devrait interdire à l’algérienne de se tenir aux côtés de l’Algérien et d’ajouter ses capacités aux siennes pour construire notre pays et assurer sa quiétude, son développement et sa prospérité.

Mesdames et Messieurs ;

Tout examen en profondeur de la condition de nos sœurs dans l’Algérie d’aujourd’hui, nous amène inévitablement aux quatre constats suivants :

Le premier constat est que l’algérienne fait l’objet d’une discrimination en tant que femme dans notre société.

Le deuxième constat est que l’algérienne fait l’objet d’une discrimination dans sa citoyenneté tout comme l’algérien l’est dans la sienne.

Le troisième constat est que  l’algérienne fait l’objet d’une discrimination caractéristique même lorsqu’elle a accès à un emploi.

Le quatrième constat est que par temps de crise, comme celle que vit notre pays, l’algérienne en est la première victime dans la mesure où une telle crise lui vaut un surcroit de marginalisation et d’exclusion.

Ces constats essentiels énoncés, permettez- moi de les étayer par quelques explications même résumées dans une très large mesure tant il y aurait à dire sur chacun de ces sujets.

S’agissant du premier constat selon lequel l’algérienne subit une discrimination en tant que femme dans la société, il suffit de se référer à quatre grands indicateurs pour l’établir : l’indicateur de l’emploi féminin qui révèle que celui-ci ne représente que 17 ,5% dans le total de la population active nationale. L’indicateur de l’accès aux emplois publics qui situe la part de la femme dans la fonction publique à hauteur de 31,8% seulement ; l’indicateur lié aux taux de chômage qui établit  que le nombre d’algérienne sans emplois équivaut ou double des hommes se trouvant dans la même situation soit 16,5% contre 8,3% de femmes ; l’indicateur de l’accès aux postes de responsabilités et aux fonctions d’encadrement qui n’est que de 1,6%.

A ces paramètres qualificatifs il convient d’ajouter ceux de type qualificatif qui convergent tous vers la même conclusion selon laquelle l’accès des algériennes aux hautes responsabilités et aux postes de direction dans la fonction publique  dans le secteur public et dans le secteur privé, reste un phénomène rare et non une réalité banale comme elle devrait l’être dans une société d’ouverture, d’inclusion et de progrès.

Nul n’entend réduire –et en tout cas pas moi- le rôle primordial de la famille qui est la cellule de base à partir de laquelle se construisent les sociétés saines, équilibrées et épanouies. Mais ces mêmes sociétés saines, équilibrées et épanouies exigent aussi que la femme assume sa juste part des responsabilités politiques, économiques et sociales qu’elle a envers la société.

La place de l’algérienne dans le foyer familial n’est pas un solde de tout compte. Je veux dire par là que les responsabilités de l’algérienne ne s’arrêtent pas à l’intérieur des murs de son foyer familial. Ses responsabilités concernent aussi la sphère politique, la sphère économique et la sphère sociale dans lesquelles l’algérienne doit trouver la place qu’elle mérite. L’aspiration légitime de l’algérienne à la conquête de cette place est une cause dans tous les sens de ce concept. Et dans la défense de cette cause toutes nos concitoyennes doivent savoir qu’elle est aussi la nôtre, que nous serons toujours à leur côté et au premier rang pour la défendre et que le renouveau que nous revendiquons n’en serait pas un s’il laissait les algériennes en marge de son chemin.

Mon deuxième constat a été que l’algérienne fait l’objet d’un déni de concitoyenneté à l’égal de l’algérien. Elle partage avec son frère algérien un statut d’infra- citoyenneté dans lequel est confinée la majorité de nos concitoyennes et de nos concitoyens alors que la supra citoyenneté est réservée à une minorité privilégiée et gâtée.

Lorsque l’algérienne exerce son droit syndical en matière de retraite aux côtés de son frère algérien elle est matraquée et embarquée à bord des fourgons de la police tout comme lui, comme cela est arrivé, il y a de cela deux semaines devant les portes même de l’Assemblée nationale. Lorsque  l’algérienne manifeste avec son frère algérien pour l’accès à un poste de travail, elle est réprimée de la même manière et dans la même forme que lui. Lorsque l’algérienne exerce sa liberté d’expression sur les réseaux sociaux et que ce qu’elle y exprime ne convient pas à nos gouvernants, elle est punie comme l’est son frère algérien. Lorsque nos gouvernants décident de faire passer en force leurs décisions qui concernent l’ensemble de la société, nos gouvernants assurent une égalité parfaite entre l’algérienne et l’algérien en refusant d’être à leur écoute et en leur déniant le droit d’émettre leur avis sur le traitement des problèmes qui les concernent directement. Lorsque l’année dernière, l’enseignante contractuelle a manifesté aux côtés de son frère l’enseignant contractuel pour faire valoir ses droits, elle a été traitée de manière indigne tout comme lui.

J’ai laissé le pire pour la fin.

Lorsque l’algérienne exerce ses droits politiques et réclame l’instauration d’un Etat de droit, nos gouvernants ne font pas de différence entre elle et l’algérien qui formule la même revendication, il les accuse abusivement tous les deux de viser à déstabiliser le pays et à y semer  l’anarchie. Lorsque nos concitoyennes et nos concitoyens manifestent contre certaines décisions gouvernementales qu’ils estiment dommageables pour leur cadre de vie, comme cela est arrivé avec la décision d’exploitation du gaz de schiste, nos gouvernants ne font pas la différence entre l’algérienne et l’algérien et les accusent injustement tous les deux d’être des instruments dans des mains étrangères.

Et lorsque nos gouvernants organisent  des élections dont l’issue est décidée par la tricherie politique et la fraude électorale, ils ne font pas de distinction entre le bulletin de vote mis dans l’urne par l’algérienne et celui mis dans la même urne par l’algérien ; ils les faussent tous les deux et mettent ainsi l’algérienne et l’algérien sur un pied d’égalité en confisquant leur volonté et leur choix.

Mesdames et Messieurs ;

J’ai fait un troisième constat selon lequel l’algérienne fait l’objet d’une discrimination caractéristique même lorsqu’elle a accès à un emploi.

Il n’est pas question ici pour moi de tout peindre en noir. Même s’ils sont encore limités, peu satisfaisants et susceptibles d’être consolidés, les acquis des algériennes dans notre société sont indéniables. Mais l’algérienne ne doit ces acquis à personne. Ce sont les mutations profondes qu’a connu notre société qui lui ont ouvert des portes qui lui étaient auparavant fermées. Ce sont les pères et les mères des algériennes qui en les dirigeant massivement vers nos écoles, nos lycées et nos universités leur ont permis d’investir le monde du travail en général et certains secteurs en particuliers comme ceux de l’enseignement, de la santé et de la magistrature.

Il y a chez nous des femmes chefs de partis politiques ; il y a des femmes avec grade de général dans notre armée ; il y a des femmes ambassadeurs ; il y a eu des femmes Walis et il y a des femmes chefs d’entreprise, notamment dans le secteur privé.

Mais tous ces acquis aussi appréciables soient-ils ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt ou comme le dit un vieux proverbe africain « un arbre à lui seul ne peut former une forêt ».

En effet, ces quelques acquis, certes louables et dont nous sommes fiers, ne peuvent pas nous faire oublier une réalité beaucoup moins reluisante et beaucoup moins réjouissante. En effet, une grande part de la population féminine dans notre pays reste encore éloignée des bancs de nos écoles, de nos lycées et de nos universités. Une grande partie de cette même population féminine reste en dehors du monde du travail. Et lorsque des algériennes ont accès à un emploi  elles subissent des traitements profondément injustes et discriminatoires en matière de rémunération, de promotion et d’accès aux postes de responsabilités, en particulier les postes de direction. Et il faut ajouter à ces injustices, un autre mal celui du harcèlement en général et celui sur les lieux de travail en particulier.

La politique de réservation de quotas aux femmes est bien sûr utile. Mais il serait erroné de croire que cette politique des quotas est la panacée aux innombrables formes de discrimination dont la femme est victime. Et de fait, cette politique des quotas ne traite que certaines formes de discrimination les plus criantes et les plus flagrantes en jetant un voile pudique sur les autres formes de discrimination les plus nombreuses et les plus enracinées. 

Le grand risque de la politique des quotas est qu’elle peut conduire au relâchement. En effet les  domaines très limités où elle s’applique peuvent faire oublier tout le reste du grand espace où les discriminations envers les femmes continuent à sévir.

Oui donc à cette action positive mais à la condition qu’elle soit toujours soutenue par des politiques déterminées et continues visant à traquer et à extirper toutes les formes que cette discrimination peut prendre et quels que soient les espaces où elle prend ancrage qu’ils soient politiques, administratifs, économiques ou sociaux.

J’ai fait un quatrième constat au début de cette intervention selon lequel par temps de crise, comme celle que vit notre pays, l’algérienne en est la première victime dans la mesure où une telle crise lui vaut un surcroit de marginalisation et d’exclusion.

Et de fait notre pays fait face à une crise globale qui lui pose des défis globaux. Le régime politique en place sait que l’enjeu de cette crise est sa survie. Et rien ne compte pour lui que sa pérennité et sa survie. Dans de telles conditions il n’a pas l’esprit aux affaires mineures et pour lui les droits de la femme sont une affaire mineure dont on ne peut s’occuper lorsque l’on est confronté à une impasse politique dont on ne voit pas la fin, à une crise économique que l’on ne sait ni comment prendre en charge ni comment traiter et à une montée des tensions sociales dont on ne sait comment conjurer les périls. Par ces temps de crise que vit notre pays, la promotion et la protection des droits de la femme deviennent aux yeux de nos gouvernants un luxe qu’ils ne peuvent pas se permettre. Et c’est ainsi que les droits de la femme ont cessé d’apparaitre à leur ordre du jour tout comme ils ont cessé de figurer sur l’échelle de leurs priorités.

Mais ces mêmes temps de crise sont une opportunité pour toutes les algériennes de tenir leur place dans le grand rassemblement national qui doit se former pour relever tous les défis politiques, économiques et sociaux qui se posent actuellement à notre pays. Ce grand rassemblement n’est pas une affaire d’hommes mais une affaire de peuple et les algériennes en sont une composante indivisible qui nous a habitué à travers les âges à assumer un rôle glorieux dans toutes les épreuves qu’il a eu à surmonter et dans toutes les adversités qu’il a eu à réduire.

Aujourd’hui les défis auxquels notre pays fait face portent des noms précis et connus : le premier de ces défis porte le nom de la modernisation de notre système politique national ; le deuxième de ces défis porte le nom du renouveau du système économique national ; et le troisième défi porte le nom des indispensables réformes sociales.

La modernisation de notre système politique ne viendra que par l’édification d’un Etat de droit. La plupart des peuples de la planète vivent dans des Etats de droits ; sommes-nous condamnés pour toujours à demeurer l’exception à cette règle ? Je ne le crois pas un seul instant.

L’Etat de droit n’est ni une hérésie ni une aventure. Jetons un regard tout autour de nous et nous verrons que les Nations les plus puissantes, les plus respectables, les plus stables et les plus prospères sont celles qui ont fait le choix de l’Etat de droit et de l’exercice démocratique du pouvoir. Il y a en cela de quoi nous inspirer et de quoi nous convaincre de l’impérieuse nécessité de conduire notre pays vers la voie du changement démocratique ordonné, graduel  et apaisé.

Cette modernisation politique est la première des conditions du renouveau économique de notre pays. Notre échec économique flagrant est le produit d’une gouvernance politique défaillante et de rien d’autre. Et c’est donc par le changement de la gouvernance politique du pays que seront semées les graines de son redressement économique dont récolterons les fruits cette génération comme les générations à venir.

La société algérienne a beaucoup perdu de son dynamisme et de sa vitalité. Elle semble gagnée par l’angoisse et le désespoir. Elle semble comme figée devant des horizons bouchés. Elle stagne ou recule souvent sans voir le moindre signe annonciateur d’un sursaut et d’un nouveau départ.

Mais tout cela n’est qu’apparence. Notre société sait, au fond, qu’elle contient les trésors de ressources, de capacités et d’énergies pour se relever après avoir trébuché, pour faire succéder le succès à l’échec et pour déverrouiller les perspectives qui nous semblent, aujourd’hui, irrémédiablement bloqués.

C’est en cela que réside le génie du peuple algérien ; c’est en cela que réside la force de sa foi et de sa résilience que rien ne saurait entamer ; et c’est en cela que réside la grandeur de l’Algérie éternelle.

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