Une quarantaine de pirates en rabaskas et pédalos ont pris d’assaut un quai privé sur le canal de Lachine pour dénoncer la privatisation des berges et des accès au canal. Ces pirates, résident.e.s de Pointe-Saint-Charles, exigent une plus grande ouverture des accès publics au canal et demandent à Parcs Canada de prendre position contre la privatisation du canal.

Depuis l’ouverture récréotouristique du canal de Lachine au début des années 2000, la population locale vit un fort sentiment de dépossession et d’exclusion. Le mode de développement des berges du canal de Lachine, axé sur le résidentiel privé, va à l’encontre de l’appropriation par les résident.e.s du quartier.

« Avec les condos de luxe et les quais privés, on ne se sent pas les bienvenus au canal de Lachine. Nous sommes choqués du manque de volonté politique pour aménager et valoriser des accès publics au canal de Lachine. La Direction de Parcs Canada semble plus intéressée à signer des ententes avec des partenaires privés pour des accès exclusifs au canal de Lachine. », déplore Jocelyne Bernier, citoyenne du quartier Pointe-Saint-Charles et membre de l’Opération populaire d’aménagement (OPA). Elle dénonce l’incohérence d’autoriser des quais privés alors que le nouveau plan directeur de Parcs Canada adopté en juin 2018 affirme au contraire que « la présente stratégie cherche à accroitre la portée d’un tel équipement public dans le milieu et à multiplier ses bénéfices pour les communautés (…) et à réaffirmer la propriété publique du lieu et son intégration avec les milieux qui le bordent et qui se l’approprient (p.31.stratégie 3) ».

À la (re)conquête du canal !
Le canal de Lachine, berceau industriel de Montréal, a été durant 125 ans un lieu de travail pour la population des quartiers environnants. Les vestiges de ce passé industriel se font rares. Un à un, les géants manufacturiers ont cessé leurs activités et les usines ont été détruites ou transformées en condominiums de luxe : Dominion Textile (1966), Northern Electric (1974), Redpath Sugar (1976), Belding-Corticelli (1982) et Stelco (1985). Lors de sa réouverture, le canal est devenu un espace replié sur lui-même, tant sur les plans symboliques que physiques. La population des quartiers Pointe-Saint-Charles, Petite-Bourgogne et Saint-Henri n’a pas profité du développement du canal et des millions investis pour sa mise en valeur. À l’inverse, elle en a subi les conséquences néfastes : privatisation des berges, développement immobilier qui tourne le dos au quartier, spéculation immobilière.
« Il faut renverser la logique de développement du canal pour qu’il soit plus inclusif des réalités et des perceptions locales. Il doit permettre de renforcer nos liens inter quartiers, de répondre à nos besoins locaux et de favoriser l’appropriation par la population locale. Les pouvoirs publics doivent privilégier les initiatives publiques et collectives sur les berges, valoriser les accès publics aux berges et à l’eau du canal à partir des quartiers environnants. Sinon, on reste avec des projets privés ou encore avec des initiatives grand public pour la région métropolitaine de Montréal. », affirme Nathacha Alexandroff, citoyenne du quartier Pointe-Saint-Charles et membre de l’Opération populaire d’aménagement (OPA).

Au-delà du canal, Le Sud-Ouest en pleine transformation
Pour Hassan El Asri, organisateur communautaire au Regroupement Information Logement (RIL), « cette problématique d’exclusion s’inscrit dans un phénomène plus large de gentrification des anciens quartiers ouvriers où la transformation du cadre bâti et la perte d’espaces publics contribuent à la marginalisation des populations plus vulnérables ».

Le RIL et les membres de la table de quartier Action-Gardien revendiquent des réserves de terrains dans le nord du quartier pour y implanter des projets de logements communautaires et équipements collectifs, afin de favoriser le maintien dans le quartier des résident.e.s et des organismes communautaires. Ils demandent aussi que les derniers terrains qui restent à développer sur les berges le soient pour des espaces verts, des équipements collectifs et pour maintenir des activités d’emploi.

De l’autre côté du canal, le collectif À nous la Malting se mobilise avec la CDC Solidarité Saint-Henri également sur un projet de conversion communautaire du site de l’ancienne Canada Malting, une usine abandonnée et convoitée par les promoteurs privés, pour y développer un projet axé sur le logement social, l’emploi, le patrimoine et les services de proximité.

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