Au début de septembre, les amateurs de sport professionnel ont appris que les joueuses de soccer brésiliennes allaient dorénavant toucher le même salaire que leurs confrères masculins. Le Brésil n’est certes pas champion en matière de droits de la personne et de l’égalité homme/femme. Pourtant, il devient presqu’un pionner dans le monde du sport à la suite de cette décision. Bien que la lutte pour l’équité salariale dans le sport soit entreprise depuis un bon moment, il semble évident que les équipes féminines revendiquent beaucoup plus fortement depuis peu.
Le soccer à l’avant-plan
Le soccer s’avère le sport ou les récriminations sont les plus médiatisées. Cela est explicable compte tenu de la forte popularité des équipes féminines dans ce sport. Lors de la Coupe du monde de 2019 en France, on comptait plus d’un milliard de téléspectateurs.
L’Australie avait déjà emboité le pas, en 2018, lors de la signature d’un accord de 4 ans stipulant que les équipes féminines et masculines devaient, à compter de 2019, partager de manière équitable les rétributions commerciales. En dépit de cet accord, les bourses accordées aux hommes dépassent largement celles accordées à leurs homologues féminines.
La situation en Russie est encore plus criante. En 2018, lors du tournoi masculin, le total en bourses remportées pour les hommes s’élevait à 400 millions de dollars alors que les équipes féminines à Lyon en 2019 se sont partagé 30 millions de dollars, un ajout de 15 millions à ce qui était prévu à la base. Il y a donc une disparité de 378 millions. Les Américaines qui ont gagné le tournoi, se sont, quant à elles, divisé un montant de 4 millions de dollars alors que les Français, grands vainqueurs masculins, ont encaissé 38 millions de dollars l’année précédente.
Les joueuses Américaines devant les tribunaux
Chez nos voisins américains, l’équipe de soccer féminin remporte un succès beaucoup plus grand que l’équipe masculine. Depuis nombre d’années, les représentantes de l’équipe nationale tentent d’obtenir certains bénéfices basés sur leurs performances spectaculaires, puisqu’elles gagnent beaucoup plus de matchs que leurs homologues masculins. Aussi, lors de la Coupe du monde de 2019, elles ont mis de l’avant leurs revendications à un point tel, que lors de leur victoire en finale, la foule scandait « equal pay! » dans le stade.
La formation a donc entamé une bataille juridique contre sa fédération. Le procès devait avoir lieu en mai 2020, mais a été repoussé au 15 septembre. Dans des propos rapportés par Radio-Canada sport, Molly Levinson, une représentante de l’équipe, espère que « ces championnes du monde reçoivent ce à quoi elles ont légalement droit : l’équité des salaires et des conditions de travail, rien de moins ».
Les joueuses de hockey féminin canadien mises de côté
Au Canada, en 2019, la Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF) s’est éteinte après 12 ans, car elle évoluait dans un modèle d’affaire non viable. Suite à la dissolution, la Ligue nationale de hockey féminin (NWHL) basée aux États-Unis croyait procéder à une expansion en incluant les équipes canadiennes. En revanche, les joueuses ont plutôt choisi de ne pas prendre part à la prochaine saison, jugeant les conditions salariales offertes par la NWHL inacceptables. En effet, le salaire des joueuses dans l’entente variait entre 2 500 $ à 10 000 $ américains.
Lorsqu’on parle de sport professionnel, il est entendu que le montant gagné doit être suffisant pour en vivre. Les revendications des femmes au hockey n’incluent aucunement la demande de gagner autant que les hommes. Elles sont très conscientes que cela ne fonctionne pas dans le modèle de l’offre et de la demande actuel. Leurs parties n’attirent pas un grand public, donc le revenu pour l’organisation est limité. Par contre, ces femmes doivent s’entrainer et avoir un rythme de vie discipliné afin d’assurer une performance de haut niveau. Ce qu’elles veulent, c’est un salaire décent qui leur permettra de ne pas avoir de deuxième emploi, ce qui ferait d’elles de vraies professionnelles. La légendaire joueuse de tennis Billie Jean King, reconnue pour ses prises de parole et son militantisme pour l’égalité des sexes en sport, a applaudi leur position sur Twitter.
L’importance des commandites et des médias
Les commandites bonifient considérablement les revenus et les avantages des athlètes. L’athlète reçoit un montant et s’engage, entre autres, à arborer le logo du commanditaire lors de ses compétitions ou encore, à faire de la publicité directe sur les réseaux sociaux ou dans les médias, en faisant la promotion de leurs produits. Les compagnies recherchent des gens performants qui bénéficient d’une bonne visibilité. Par conséquent, si les médias accordent plus de visibilité aux hommes, les entreprises auront tendance à débourser davantage leurs commandites pour les disciplines masculines. Néanmoins, il faut souligner les efforts de certains. Par exemple, Budweiser Canada a collaboré avec l’Association professionnelle des joueuses de hockey féminin (PWHPA) en créant une version de la chanson Good old hockey games interprétée par des personnalités du hockey féminin canadien comme Marie-Philip Poulin et Natalie Spooner.
Les médias exercent une influence majeure sur la notoriété des sportives et des sportifs et sur ce qui en découle. Plus ils parlent du sport féminin, plus cela sera valorisé. La représentativité à l’écran est présentement d’actualité. Cette problématique existe également dans le sport féminin. Si les équipes féminines bénéficient d’une plus grande représentativité médiatique, les jeunes filles ou femmes seront beaucoup plus enclines à vouloir se lancer dans le sport, ce qui augmentera la possibilité de trouver des athlètes performantes. Les médias sont souvent le « miroir de la société ». Ils dépeignent une réalité. Plus les sports féminins y seront diffusés, plus la population développera un intérêt.
Il est impossible d’analyser en profondeur un sujet comme l’équité salariale dans le sport sans considérer une multitude de facteurs. Cela s’inscrit dans une problématique plus profonde que seulement l’analyse de la discipline elle-même. Le sport féminin n’est pas aussi mis de l’avant que le sport masculin dans la société en général. Des changements à beaucoup de niveaux seront nécessaires pour provoquer des avancées majeures. Des nouvelles comme celle concernant l’équipe de soccer féminine du Brésil permettent de déduire qu’un vent de changement souffle.
Martine Dallaire