Il y a une vibration en toute chose, et c’est ce devant quoi le MAI a dû s’incliner pour laisser émerger la 23e saison qui se déploiera en ses murs en 2021-2022. Cette vibration, elle porte même un nom, un nombre, à vrai dire : 432. Et un patronyme : Hz. 432 Hz, donc, et ça vibre de partout, tout le temps. C’est la fréquence naturelle de l’univers.

On ne s’en cachera pas : la saison s’est en quelque sorte construite toute seule, tombant en place avec une justesse désarmante que seul le chaos pourrait prétendre savoir ordonner avec autant d’acuité.

Qu’on pense à la pluralité des disciplines comme à la nature plurivoque des artistes et des protagonistes qui la portent : cette saison se nourrit de son propre désordre. Mieux : elle s’autoconfronte en mettant perpétuellement en relation la question de l’individu et de son rapport à l’autre, qu’il soit corporel, intime, collectif, sociétal – mais aussi historique, temporel, mnémonique, nostalgique. Cette saison brouille les repères, les limites, les frontières de toutes ces sphères. Elle parle aussi beaucoup de corps. D’une humanité qui cherche en elle et dans ses traces un je-ne-sais-quoi en forme de réponse.

Certains diraient que la pandémie a en quelque sorte programmé cette saison. Alors oui, le MAI s’en est remis aux lois de l’univers. À ce bourdonnement. À cette pulsation. Une pulsion, presque. Un hymne en forme de lâcher-prise.

Et ça vibre. Parce qu’il y a une fréquence – elle nous lie. Un chaos on ne peut plus organique qui pulse à 432 Hz. Depuis le début. De tout.
EXPLORER LA SAISON 21.22
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MAI | SAISON 21.22
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GALERIE
Commissariée par Farah Atoui et Viviane Saglier, Making Revolution: Collective Histories, Desired Futures (11 novembre au 11 décembre 2021) revisite l’histoire multiple des insurrections au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en convoquant les temporalités non linéaires et affectives de leurs révolutions. Par leurs traces politiques et poétiques, Marwa Arsanios, Basel Abbas & Ruanne Abou-Rahme, Ali Cherri, Mohammad Shawky Hassan, Ali Kays, Raed & Rania Rafei, Jayce Salloum, Sanaz Sohrabi et Mosireen explorent la corporéité qui façonne les soulèvements via le médium de l’image en mouvement.

Installation unique, évolutive comme immersive, les liens (3 au 26 février 2022) propose une vision queer et kaléidoscopique des relations interpersonnelles. Explorant la notion d’intimité en opposant la porosité des frontières entre les corps à l’inconfort de la proximité, Thierry Huard révèle les liens invisibles dont sont tissées les relations humaines grâce à une panoplie de dispositifs. Une fouille en soi et sur notre rapport à l’autre qui remet en question les limites des rapports à deux.

Fascinée par les traces, Nayla Dabaji s’intéresse à la migration, à la temporalité et à la manière dont la mobilité et le manque d’informations déstabilisent et transforment notre quotidien – ou nos perceptions. Avec Documentaire en dérive (17 mars au 16 avril 2022), elle met en scène le processus de travail et le cheminement de son œuvre vidéo Boomerang. Comportant plusieurs niveaux de lecture et posant le concept de décalage comme point de départ, l’artiste visuelle y exprime l’état incertain et polymorphe de la mémoire.

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GALERIE + THÉÂTRE
Quelqu’un a déclaré que l’œuvre Packaging/Wrapping de Christo et Jeanne-Claude était une prémonition du vide au cœur de notre existence. Maria Kefirova n’en est pas certaine : peut-être qu’au milieu de tout cela, il y a quelque chose, comme un son. backs boxes towels (15 au 18 septembre 2021) naît de ce désir de construire un espace par la physicalité et de rendre visible le son. Ainsi les peaux se frottent aux écrans; les boîtes se remplissent de sons; les corps deviennent des serviettes.
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THÉÂTRE
Si l’individualisme sature le présent et, même, le sécurise, de quoi sera fait l’avenir? Manolis Antoniou et son Boulouki Theatre abordent cette question dans THE FUTURE IS ANOTHER COUNTRY (28 septembre au 9 octobre 2021) avec une… pomme de terre. Riche en histoire, ce légume racine crée des ponts dans une sorte de souper festif kaléidoscopique inspiré du concept et de la pratique de la « philoxenia » (l’amour des étrangers). Un événement qui canalise la chaleur communautaire, la convivialité et la désinhibition – non sans tendre un miroir à la polis de Tiohtiá:ke/Montréal.

Grâce à la posture politique unique de Joe Jack et John, l’artiste visuel, poète, danseur et acteur Edon Descollines propose Le magasin ferme (20 au 23 octobre 2021), une courte forme alliant performance, installation, spoken word, danse, vidéo et œuvres picturales. On s’y balade dans la mélancolie et la tristesse du quotidien, au cœur de la nostalgie d’une époque où les magasins, avant d’être confrontés au géant Internet, étaient le théâtre de rencontres, de possibles et d’échanges.

FakeKnot crée des œuvres performatives inclusives qui visent la compréhension de la complexité de l’identité et de la culture à travers le costume, le son, la technologie et le corps. Pour le duo whip (3 au 6 novembre 2021), les interprètes portent des capuchons de cinq pieds de long et des harnais. Fabriqués de cuir, ces accessoires évoquent la dualité de la matière, à la fois souple et rigide, et permettent l’exploration du consentement dans une gamme de contacts physiques entre les corps – alors que les protagonistes sont aveuglés.

Déambulant au cœur d’un riche tableau mouvant qui visite les nuances de l’être humain, le public, dans Trajectoires (24 au 27 novembre 2021), part à la rencontre de six créations dédiées à l’inclusion de la diversité. Avec cette installation performative impliquant huit collaboratrices et collaborateurs, Élian Mata (Productions EM) évoque la complexité et le foisonnement de la psyché humaine au moyen d’énigmatiques récits dont les voix sont autant singulières que plurielles.

Premier grand solo d’Heather Mah, Pomegranate (2 au 4 décembre 2021) offre le portrait fragmenté d’une vie marquée par la migration – le parcours imaginé de sa propre grand-mère, née en Chine en 1895. Mouvant et poétique, esquissant l’isolement, la souffrance, la quête d’un sens nouveau, et en résonance avec les grands mouvements migratoires actuels, ce spectacle-hommage prend la forme d’un voyage intimiste et introspectif où passé et présent coexistent.

Les récoltes sont mauvaises, la nourriture est rare, et les humains pensent que les renards sont les seuls responsables de la destruction du monde, jusqu’à l’arrivée du Foxfinder (20 au 29 janvier 2022). Dystopie en forme de parabole écologique obsédante au sujet des changements climatiques et de leurs impacts, cette œuvre de la dramaturge britannique Dawn King n’aurait su trouver meilleure voix que celle d’Imago Théâtre et de sa pratique artistique féministe audacieuse. Première canadienne.

Intervertissant constamment les codes entre le drag, le discours critique et le chant expérimental, Bijuriya (10 au 12 février 2022) rend hommage à la brunitude. Déclinant la gamme des talents surprenants de Gabriel Dharmoo, compositeur et vocaliste expérimental, et de Bijuriya, dragqueen inspirée par la culture sud-asiatique, cette performance décalée et vulnérable se pose en témoin de l’inaptitude à représenter entièrement les sous-cultures dont l’artiste se réclame.

A comme Abaya (9 au 12 mars 2022), un ciné-concert imaginé et porté par la poète de spoken word Hoda Adra, ressuscite une trentaine de carnets de bord écrits à la main durant un long enfermement. L’écriture vécue comme pouvoir de rapatriement de soi et partagée comme acte de résistance.

En explorant la personnification du genre et de la sexualité à la fois dans et hors de la danse, OFF CENTRE (24 au 26 mars 2022) célèbre la sensualité et l’érotisme, défie les clichés hétéronormatifs et ouvre grand les bras à l’acceptation et à l’amour de soi. L’œuvre, du chorégraphe et danseur indépendant Sujit Vaidya, interroge ce sens de « l’autre » qui nous habite et crée des réalités parallèles. Comment peut-on exprimer une identité queer dans le cadre d’une forme de danse traditionnelle?

Expérience plutôt que performance, Kismet: Opposing Destiny (30 mars au 2 avril 2022) de Sashar Zarif est un fleuve de danse et de son dont les flux et reflux sont collectivement hypnotiques, à l’instar de ceux de n’importe quelle étendue d’eau. Présentée dans un style Maugham contemporain, l’œuvre étudie l’idée que l’identité serait le résultat d’un processus de négociation constructive constante entre les cultures, les langues et les expériences que nous portons en nous.

L’assemblage de danse, de textes et d’actions de Hotter Than A Pan (13 au 16 avril 2022) cherche à développer une esthétique de la mélancolie et de l’aliénation. S’efforçant d’amplifier et de maximiser le pouvoir du corps marginal, le solo de Malik Nashad Sharpe (alias marykiscrycrycry) expérimente la création avec les ontologies noires et queer au-delà d’une politique d’identification essentialiste.

Dans un Vietnam lointain et fictionnel se croisent des échos de musique pop sur cassettes et de rap vietnamien actuel. Kim-Sanh Châu y traverse des états de corps générés par la présence de néons colorés. Les yeux fermés, ces néons la ramènent à la sensation d’être sur ses terres d’origine, Saigon, qui, comme beaucoup de villes sud-asiatiques, est marquée de ces lueurs vives. Reliant passé, présent et fiction, BLEU NÉON (28 au 30 avril 2022) est une extrapolation diasporique.

L’ensemble de pop de chambre torontois Queer Songbook Orchestra parcourt la musique populaire du dernier siècle et met de l’avant des récits historiques LGBTQ2S+ qui ont été occultés. Mis en scène en parallèle avec des réflexions personnelles de membres des communautés queer et invitant le public à participer, ce Voyage du cœur et de l’esprit (6 et 7 mai 2022), avec ses chansons connues réinventées de manière unique, favorise le dialogue et approfondit le sentiment de communauté.

Centré sur une esthétique chorégraphique construite depuis un point de vue non eurocentrique, le travail d’ĀNANDAṀ Dancetheatre repose sur une approche rigoureuse du corps, du regard, de l’espace et du temps. Confrontant l’idée que la danse est par essence éphémère, Ephemeral Artifacts: Travis Knights (12 au 14 mai 2022) interroge les processus qui lui donnent un aspect tangible, comme ici ces liens indélébiles entre le jazz, les claquettes et les corps noirs divins.

Prix Polaris 2020, Backxwash (4 juin 2022), s’appuie sur des genres musicaux comme le horrorcore, le hip-hop et le métal industriel. Rappeuse et productrice, la zambo-canadienne s’accorde la permission d’être en colère. Portant principalement sur des thèmes liés à l’intersection entre la foi, l’identité et la différence, son œuvre présente une poésie dont les textes amorcent un processus de guérison cathartique. En témoigne son dernier album, I LIE HERE BURIED WITH MY RINGS AND MY DRESSES.

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