C’est l’histoire d’Anaïs Oularbi, une québécoise d’origines algériennes, qui réside dans la ville de Montréal, laquelle, du haut de ses seize printemps, fait déjà parler d’elle dans le milieu du soccer féminin, sur sa terre d’immigration et d’adoption, mais aussi en Algérie, pays de ses ancêtres.
Par Hamid Si Ahmed
Outre son statut d’internationale algérienne, elle qui participe en ce moment aux Jeux Africains 2019, qui se déroulent actuellement à Rabat, au Maroc, c’est beaucoup plus la relation entretenue avec son père, coach de football, qui nous a interpellé. Un récit poignant, depuis les débuts de cette jeune prodige, son apprentissage du soccer à Montréal, et enfin sa convocation en sélection nationale, ou le simple fait de défendre les couleurs et le drapeau du pays d’origine, est déjà en soi, un rêve réalisé. Quel beau parcours, celui de cette jeune canadienne, algéroise kabyle de naissance, un sentier qui s’était tracé depuis sa jeune enfance, en direction de la pratique sportive, mais qui n’aurait pu ne pas voir le jour, si n’était le soutien et tout l’amour d’un père pour sa fille, en la personne de Arezki Oularbi, son propre entraîneur, lui qui s’est fixé désormais comme but, d’accompagner sa fille vers le chemin de la gloire et des consécrations.
Anaïs n’a connu le soccer qu’aux alentours de ses 10 ans, l’année ou notre interlocuteur, Arezki, avait vu en sa progéniture, une future athlète de haut niveau, qui pourrait porter le flambeau d’une famille, quelque peu déracinée et nostalgique de la terre natale. Suivre les pas de son propre père, dans une communion très spéciale, celle du souci d’un père, de tracer à sa jeune footballeuse, un avenir à la hauteur de ses compétences et des ambitions innocentes d’une jeune fille plus que déterminée à aller de l’avant et atteindre son but suprême.
Qualifiée avec son équipe aux demi-finales des Jeux Africains, à l’issue de la victoire face à la Guinée équatoriale (1-0), Anaïs peut être fière d’appartenir à cette catégorie de femmes algériennes qui ont réussies à se démarquer du lot, de faire de leurs efforts et sacrifices, des moments de joie non seulement pour la diaspora féminine algérienne de l’étranger, mais surtout pour ses parents et ses proches. Un sentiment indescriptible sur papier, qui ne peut se ressentir qu’en lisant l’entretien qui suit, où le père d’Anaïs, nous explique comment est née cette aventure magnifique, celle d’une joueuse de soccer, qui a su se dévoiler et annoncer la couleur sur ce que peut entreprendre une femme algérienne, et réaliser, loin de sa patrie d’origine. Nous vous laissons découvrir et apprécier ce récit…
Arezki Oularbi : « Je l’emmenais déjà toute petite sur les terrains, elle a vite aimé le soccer »
Parlez-nous des débuts d’Anaïs dans le soccer…
Anaïs est née en 2003, à Kouba, en Algérie. Arrivée à. Montréal en 2005, elle a commencé à pratiquer la natation durant 7 ans, ensuite elle s’est mise au handball en primaire. Son histoire avec le football a réellement commencé, depuis que je la prenais avec moi sur les terrains, car je suis coach de football, j’entraîner les U21AAA garçons…elle était là, à côté du terrain, à toucher au ballon, le temps que je termine ma séance.
Où a-t-elle évoluée avant de rejoindre la sélection algérienne ?
A l’âge de 10 ans, je l’ai inscrite dans notre club (MHM) à Montréal, et dès ce moment-là, j’ai remarqué qu’elle aimait ça. Un ami m’a appelé un jour pour qu’Anaïs rejoigne son club, et il m’a même proposé de diriger l’équipe avec un portugais. J’ai accepté cette proposition, ce qui m’a permis de suivre de près le parcours de ma fille et l’accompagner ainsi dans son carrière de footballeuse.
On est resté deux ans dans ce club (Rosemont), puis on a changé de club, où nous sommes actuellement, (NDG) Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal. Anaïs y a fait U14AA ,15AA, et maintenant 16AAA, et je suis encore son coach.
Anaïs a même fait une année à l’académie du FC Barcelone (à Montréal). Et pendant l’hiver, on joue au foot-salle (on a fait des tournois aux USA), où on a terminé Champion régional à Boston, et Champion national à Kansas City.
Racontez-nous comment a commencé son parcours avec la sélection nationale…
Son histoire avec l’équipe nationale d’Algérie a commencé le jour ou un journaliste de Montréal, Karim Djebri m’a contacté pour me demander de monter une équipe composée de jeunes algériens, dans le but de célébrer la fête nationale de l’indépendance. On a joué contre une équipe québécoise, ce qui a permis à Karim de la voir jouer et il m’a proposé de l’emmener en Algérie. Il a contacté la sélectionneuse des U20, madame Naïma Laouadi, que je salue au passage. Je l’ai contacté et on s’est rencontré à Alger. Juste après notre rencontre, elle m’a demandé le CV de Anaïs. Elle l’a convoquée pour un premier stage en décembre 2018, à Sidi Bel Abbès. Elle a vraiment aimé son niveau et depuis, elle continue de défendre les couleurs de l’Algérie.
Quelle a été votre réaction au moment de recevoir sa convocation ?
Quand j’ai reçu la première convocation pour rejoindre l’équipe nationale, j’avais les lames aux yeux, c’est un sentiment très spécial.
Objectivement, que pensez-vous de ses performances ?
En plus d’être son coach, sincèrement, à 11 déjà, pas mal d’entraineurs étaient charmés en la regardant jouer au ballon…une belle conduite de balle, jolis tirs, jolis dribbles, une joueuse technique, elle a quelque chose de différent par rapport aux autres filles. Comme on dit en toute modestie, un cran au-dessus de la moyenne.
Parmi la diaspora algérienne établie au Canada, existe-t-il d’autres talents, filles et garçons, qui méritent une place en sélection ?
Ici au Canada, pour ce qui est du football féminin, les algériennes se comptent sur les doigts de la main, car il faut être dans le domaine du sport pour penser à encourager sa fille à jouer au foot. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’algériennes qui ont un bon niveau, mais pour être sélectionnable, c’est autre chose, ça reste les choix du sélectionneur.
Par contre, le bassin des joueurs garçons, sincèrement, ils sont beaucoup, et avec un bon niveau, et dans toutes les catégories. Je connais un coach, il s’appelle Mohamed, et c’est quelqu’un avec beaucoup d’expérience et qui très compétent. Il a ouvert une Académie pros, qui est en train de faire un très bon travail professionnel pour ces jeunes. La preuve : il place même ces joueurs dans des clubs professionnels. Dernièrement, il a placé un de ses joueurs en Algérie, à la JS Saoura et d’autres en Europe.
Les U20 féminines se sont qualifiées en demi-finale des Jeux africains 2019, au Maroc, que penser-vous de cet acquis pour le football féminin en Algérie ?
Pour la qualification des U20 féminines en demi-finale, c’est vraiment mérité, vu le travail accompli par la coach Laouadi. Elle a vraiment monté une équipe compétitive, et on peut que remercier la Fédération, qui a donné les moyens humains et matériels, pour effectuer des stages de préparation, chose qui n’existait pas avant. C’est encourageant pour l’avenir.
Quelles sont les ambitions de Anaïs ?
Pour ses ambitions footballistiques et ses objectifs, c’est de jouer aux USA dans une université comme professionnelle, avec une bourse. Elle veut faire des études d’architecture, mais ambitionne surtout de porter le maillot de l’équipe d’Algérie et rejoindre l’équipe A, Inchallah à l’avenir.
Comment Anaïs arrive-t-elle à joindre études et soccer et s’en sortir dans sa vie de tous les jours ?
Vous savez, sa chance, c’est que je suis son coach, donc j’arrive à trouver des compromis (bien que ça mère et moi sommes toujours en guerre (rire)), elle va entamer 3 années avant d’entrer à l’université Inchallah. Elle a juste 16 ans…le chemin est encore long…elle travaille fort que ce soit au niveau sportif et au niveau scolaire.
Et avec l’expérience des jeux africains, ça va lui permettre de gagner beaucoup de maturité et d’expérience.
Ses idoles en matière de football ?
Ses idoles sont Morgan, joueuse des USA, Mahrez et Neymar côté hommes.
Dans un autre registre, les algériens de Montréal organisent chaque années des tournois de soccer communautaires (Soccer Petit Maghreb), parlez-nous de cette belle initiative…
À propos de ces tournois, c’est vrais, on a une Ligue maghrébine, entre algérien, marocain et tunisien…on joue en soirée les samedis, ça comprend de 8 à 10 équipes sous forme de tournois pour passer l’hiver, mais ça concerne juste les 35 ans est plus…
Comment voyez-vous l’avenir du football en Algérie ?
Pour moi, et selon ma vision, le football algérien est pris en otage par la politique…mais côté technique, il y’a vraiment de la qualité…il faut revenir à la formation, à l’image genre de l’équipe du Paradou, qui est la preuve que c’est la seul équipe dans tout le championnat algérien qui n’a pas fait de recrutement…et elle est parmi les meilleurs équipes qui pratiquent un beau football sur tous les plans organisationnels, sur le terrain et la formation.
Arezki a-t-il un message particulier à transmettre ?
Je remercie énormément Karim et la coach Laouadi pour leur confiance et leur générosité, ainsi que les membres de la Fédération pour leurs efforts et leur soutien aux catégories féminines…l’avenir est vraiment prometteur !
Entretien réalisé par Hamid Si Ahmed