Parmi les nouveautés aux éditions du Lombard, la bande dessinée Zaroff, signée François Miville-Deschênes et Sylvain Runberg, qui redonnent vie à ce personnage du passé.

Je dois l’avouer qu’en dehors de l’affiche du film d’époque, j’avais une vague idée du personnage de Zaroff qui a inspiré les auteurs, et qui disent-ils, ont voulu imaginer une suite à la nouvelle qui a été écrite en 1924 par Richard Connell. Le point de départ des bédéistes était de constater que la fin de l’histoire dans l’œuvre d’origine était ouverte et que son adaptation au cinéma par Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel en 1932 l’était tout autant. Ce cheminement de réflexion attisa ma curiosité au point de voir le film de 1932 Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game).

Le résultat en a été tout aussi intéressant qu’instructif, dans la mesure où j’ai eu l’occasion de voir une première facette du comte Zaroff, un aristocrate russe, qui, après avoir quitté sa Russie natale suite à la révolution bolchevique de 1917, s’est isolé dans une île quelque part en Amérique du Sud. Au large de l’île, Sanger Rainsford et ses amis voguaient en direction de l’Amazonie pour chasser le jaguar, lorsque leur bateau sombra dans les récifs. Le voyageur avait été le seul survivant du naufrage et avait réussi à rejoindre la côte. Du rivage, Rainsford se dirigea vers la somptueuse demeure du comte Zaroff qui l’accueilli comme il se doit en lui offrant de loger chez lui en attendant de quitter l’ile. Derrière le côté raffiné et élégant de Zaroff, se cachait un amateur de chasse, qui éprouvait un malin plaisir à mettre au défi ses invités/naufragés pour lui servir de gibier et les chasser. Avec son accent russe, il confessa à Rainsford : « Bonne nourriture, exercice. Tout pour qu’ils soient dans une forme éclatante. D’ordinaire, je leur donne des vêtements de chasse, un couteau de forestier et une pleine journée d’avance. Et j’attends jusqu’à minuit pour leur donner l’avantage des ténèbres. Et s’ils parviennent à m’échapper jusqu’à l’aurore, ils gagnent le jeu. Inévitablement ils choisissent la chasse. Jusqu’à aujourd’hui je n’ai jamais perdu ». Le genre du Survival était né et Sanger Rainsford réussi tant bien que mal à s’échapper de l’île, laissant Zaroff blessé et aux prises avec ses propres chiens.

Ce bref résumé du film était important, avant de parcourir la BD, et de comprendre ce besoin pour Miville-Deschênes et Runberg d’imaginer que Zaroff a survécu à l’attaque de ses molosses avant de s’établir sur une autre île. Pour les auteurs, il n’en fallait pas plus pour s’approprier ce personnage et laisser libre court à leur imagination pour raconter une suite.

Ce chasseur d’humains qui a perdu le goût de vivre est mis à son tour au défi par Fiona Flanagan, qui est accompagnée de ses sbires pour venger la mort de son père, un ancien chef d’un clan mafieux qui a été tué par Nicolaï Zaroff. Le comte découvre que sa sœur Katarina Zaroff et ses trois enfants Anastasia, Alyona, Dimitri ont été amenés de force sur l’île et ceux-ci seront immanquablement tués par Fiona s’il ne se plie pas au jeu de chasse qu’il a lui-même orchestré. Cette fois-ci Zaroff -le chasseur- est celui qui sera chassé !

Tel est le cœur de la trame narrative qui a été choisie par Runberg et Miville-Deschênes qui se sont chargé respectivement du scénario et du dessin pour nous faire découvrir la seconde facette du cynique personnage de Zaroff au point de sympathiser avec cet homme qui doit survivre pour protéger sa sœur et ses enfants, non sans oublier quand même qu’il collectionne des têtes d’humains sur les murs de sa salle à trophées.

Ainsi, les deux auteurs, qui ont déjà travaillé ensemble sur la série Reconquêtes (Le Lombard), ont réussi à imaginer un univers authentique qui est bien loin du film en noir et blanc de 1932. La nature hostile de l’île contraste assurément avec le carton-pâte du tournage du long-métrage qui garde tout de même une certaine originalité. Le réalisme des dessins et l’ambiance dans cette nouvelle histoire de Zaroff, qui est certes violente, permet aux lecteurs de découvrir une œuvre très esthétique, où l’on peut aussi apprécier à la fin de l’album, un dossier graphique superbement illustré qui englobe de captivantes planches originales.

Zaroff | François Miville-Deschênes & Sylvain Runberg | Le Lombard | 2019 | 88 pages

Réda Benkoula

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