La poésie de Belkacem Rouache est celle de la rencontre, non seulement parce que cette thématique parcourt ses écrits, mais aussi parce qu’elle est le point fondateur de ce texte. Lors de notre rencontre, j’ai été touchée par la nature discrète et généreuse du poète qui se conjugue avec un regard plein de malice et un esprit critique que l’on retrouve dans le présent recueil. Son œuvre mérite du temps, non seulement celui de la lecture, mais aussi celui de la germination, car rien n’est donné d’avance. Pour qui voudrait mieux le connaître signalons que Belkacem Rouache est aussi scénariste, écrivain, critique littéraire et artistique. On trouvera dans ce recueil intitulé : « Quand la pierre a soif, elle va à la mer » un écho à son activité de scénariste sous la forme d’un poème-film intitulé «Ghaza à l’aube », qui présente un renouvellement de l’écriture poétique tant par son mode d’énonciation que par son utilisation de l’image. D’ailleurs sa poésie regorge d’images non seulement celles de figures de styles riches et imprévues, mais celles que la vue peut toucher ou entendre. Ce sont des images qui se constituent progressivement par touches, tel le travail d’un peintre.

C’est un homme, ici, qui parle à d’autres hommes, par le langage qui est celui de la poésie. Le poète procède par une mise à nue de soi-même et avoue la nécessité de se déshabiller des certitudes pour rencontrer l’autre. Car le monde est lui-même voilé par les certitudes, les habitudes de penser, de se comporter qui deviennent un mode d’acceptation de l’inacceptable. C’est sans détour que le poète prend le risque de parler le monde pour faire en sorte qu’il nous parle autrement. Mais le rapport du langage au monde est biaisé. En effet, Belkacem Rouache dira dans un de ses romans, Naufrage rythmé : « Dans ce monde pourri, le langage n’a plus de sens. Il n’est que duperie et les hypocrites en possèdent l’art. » Le langage est détourné de sa fonction première qui est de produire du sens pour être celui de la duplicité et de la manipulation. Face à ce langage corrompu, le poète se positionne contre la parole bavarde, contre la parole hypocrite. Alors la tâche du poète est de constituer des phrases « avec les mots des analphabètes » car il faut aller à la source du langage pour reconstruire du sens («Reconstitution»).

Le poète élève la voix, il se fait entendre avec ses armes que sont les mots. Il élève la voix contre ceux qui disent oui à l’injustice et à la cruauté sans protester dans une société aveugle. Le poète prend certes la parole, mais il écoute. Cette dimension souvent négligée est primordiale dans la poésie de Belkacem Rouache. Il écoute ces paroles restées muettes parce que bâillonnées par l’anonymat. Ce sont les paroles que personne ne veut entendre : les cris des enfants, de gens désœuvrés qui se perdent dans les remous de la dureté de la vie, de ceux qui souffrent d’injustice dans l’indifférence, mais aussi de ceux qui sont morts cruellement.

Dans ce monde perverti, la nature est régénératrice et elle guide les pas du poète à travers la mer, la montagne, les champs et le désert. Belkacem Rouache voue un amour profond à son pays à cette terre qui l’a vu naître, comme par exemple dans «Vers l’amont» où il dédie l’un de ses meilleurs poèmes à Dellys, la ville de sa naissance située au bord de la méditerranée. Il est aussi question des éléments qui livrent des paysages insoupçonnés et des perceptions inattendues. Ainsi en est-il dans un poème intitulé «Dans mon pays» dont voici un passage :

«Mon pays est une terre de magie

Où les flammes s’envolent

On cueille la cendre

Dans le rocher

Un peu de mer

Me brûle»

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