« Pas facile d’assouvir sa passion pour l’aviation quand on est une femme, noire avec du sang indien, issue d’une famille très pauvre avec huit frères et sœurs, et vivant au Texas, un état raciste dominé par le Ku Klux Klan ! »

Cette phrase que l’on peut lire sur la couverture arrière de la bande dessinée Black Squaw[1], résume assez bien la personne de Bessie Coleman, qui a fait parler d’elle à plus d’un titre au début du 20e siècle, pour avoir été une aviatrice alors que les conditions sociales et politiques aux États-Unis ne lui permettaient pas de faire ce qui la passionnait. Née au Texas en 1892, Bessie Coleman a été très marquée par la ségrégation raciale qui imposait aux noirs de nombreuses restrictions que ce soit dans la vie courante ou pour leur émancipation sociale. Pour concrétiser ses rêves, Bessie ira vivre à Chicago, où elle fera la rencontre de Robert Sengstacke Abbott, fondateur du Chicago Defender qui lui conseillera de prendre des cours de pilotage en France afin d’obtenir sa licence d’aviation. À son retour aux États-Unis en 1921, la jeune femme éprouve des difficultés à vivre de sa passion et ce, en dépit d’articles élogieux qui la félicitent pour son parcours. Elle parviendra à gagner difficilement sa vie par le biais de spectacles aériens et c’est lors d’un vol de reconnaissance que Bessie perdra la vie en étant éjectée d’un appareil en plein vol le 27 avril 1926.

Signé par Yann Le Pennetier au scénario et Alain Henriet au dessin, Black Squaw est inspiré de faits réels et de personnages qui ont réellement existé, même si le récit est une fiction, comme on peut le lire aux premières pages du livre.

Pour mieux comprendre le contexte historique de la BD, les auteurs ont pris soin d’ajouter à la fin du livre un making-of de six pages, où l’on découvre la biographie de Bessie Coleman ainsi qu’un aperçu des lighthorsemen en référence aux racines amérindiennes de son père et bien sûr au Ku Klux Klan qui continue à terroriser les noirs d’Amérique.

Cette entrée en matière concernant le tiraillement identitaire de Bessie constitue le point d’ancrage de Black Squaw qui devait braver les interdis que lui imposait sa condition de femme et démontrer à tous, sa capacité à réussir quitte à être au service d’Al Capone le baron du crime organisé.

En prenant comme point de départ la Prohibition (1920 à 1933), période durant laquelle on a interdit la fabrication, le transport et le commerce de boissons alcoolisées, Yann et Henriet illustrent le courage d’une femme dans ce premier volume qui s’intitule Night Hawk. Le travail est bien payé, mais la tâche est risquée, car à tout moment l’avion fantôme de Bessie peut être la cible des garde-côtes américains. Cette indomptable fille des airs aime prendre des risques. Elle est dans son élément et elle se sent libre comme on peut le voir dans ce récit qui est incroyablement illustré. Rien d’étonnant d’ailleurs puisque les deux auteurs qui sont passionnés d’aviation ont déjà publié la série Dent d’ours qui est consacrée à des personnages des airs.

Tout au long de l’histoire, les auteurs introduisent subtilement des flash-backs pour se souvenir des moments forts de la vie de Bessie qui porte en elle toutes les injustices sociales. Actualité oblige, Black Squaw fait directement écho au mouvement Black Lives Matter qui milite pour un plus grand respect des libertés et de la dignité humaine concernant la condition des noirs qui sont victimes encore aujourd’hui de racisme systémique aux États-Unis.

Le retour aux sources de Besssie à Waxahachie au Texas, est empli de nostalgie et malgré tout, la jeune femme se tient informée à travers les nouvelles du très influent et progressiste journal Chicago Defender.

À Waxahachie, le temps a l’air d’être figé. Nous sommes loin de Paris et ses lumières et à des lieux de la foisonnante Chicago qui attire le monde par son industrie, ses idées et ses opportunités. À Waxahachie, l’ombre du KKK est toujours présente !

Réda Benkoula

[1] Black squaw T.1: Night Hawk |  Par Yann, Alain Henriet | 2020 | Dupuis | Age du lectorat : 12+ | 56 pages

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