Le livre d’Eric Le Ray[1] intitulé Le journal sans journalistes ou le cinquième pouvoir des gens ordinaires[2] préfacé par Nathalie Sonnac[3], se veut une révolution quant au monde parallèle qui accompagne l’information. Il cite Alexandre Soljenitsyne : « (…) L’Homme tel que nous l’avons connu a toujours été le sujet de l’histoire. Aujourd’hui, il se transforme en un copeau du progrès technique. Le progrès technique durant des siècles avait toujours eu tendance à entamer la nature. Maintenant il commence à entamer la culture et l’homme. Cet élément technique enlève à l’homme sa personnalité, son âme. C’est une transformation psychologique terrible. Nous perdons la réflexion, la concentration. Nous avons un torrent d’informations qui remplace la vie de notre âme. La vie contemporaine commence à évincer l’amour. La technique a encore bougé. On a remplacé l’amour par le sexe et le sexe par le clonage. Nous risquons de perdre l’homme tel que nous l’avons connu (…) ». Eric Le Ray donne la définition du cinquième pouvoir médiatique tel que défini par Ignacio Ramonet, dans Le Monde diplomatique, novembre 2003 : « La sphère de la communication qui absorbe la sphère de l’information et de la culture de masse ».

Eric Le Ray considère que : « Ce 5e pouvoir des gens ordinaires n’est pas exempt de questionnements et d’enjeux nouveaux. Une première catégorie d’interrogations concerne directement le citoyen : interactions et prises de paroles ouvertes mettent-elles en péril leurs droits et devoirs ? Quelles conséquences ont-elles sur la vie privée ? Comment celle-ci peut-elle être protégée à l’ère numérique ? Une deuxième série de questions porte sur cette forme de journalisme émergent. Si tout le monde s’entend aujourd’hui pour considérer que les journalistes doivent renouveler leurs pratiques, dans quel cadre cela doit-il s’opérer ? À quelles conditions ? Comment retrouver la confiance des citoyens, indispensable au fonctionnement même de nos sociétés ? Une information fabriquée et traitée par des internautes non journalistes professionnels, est-elle encore une information au sens originel du terme ? »[4].

La révolution numérique

L’auteur de Le journal sans journalistes ou le cinquième pouvoir des gens ordinaires cite un nombre considérable de références qui situent les lecteurs dans une réelle prise de conscience de l’univers numérique et de tout ce qu’il génère comme replis sur soi. Il cite René-Jean Ravault[5] pionnier des travaux sur la réception active au sein des réseaux de coerséductions qui replace le citoyen au cœur de la vie publique. Le Ray estime que : « L’innovation technologique traduit ainsi l’évolution de la société vers plus d’individualisme par rapport à la réalité collective d’une société. L’expression individuelle comme but politique se traduit par une réalité technologique rendue possible grâce au numérique et à Internet. Ces derniers sont devenus le moteur de l’innovation dans le domaine de la science et des technologies, mais aussi le moteur de la vie politique démocratique et du changement dans nos sociétés occidentales, ici et ailleurs dans le monde »[6] .

Le journal sans journalistes ou le cinquième pouvoir des gens ordinaires est une réflexion profonde sur le monde parallèle qui avance avec l’information et de ce qu’il peut englober comme crédibilité et mensonges. Le Ray souligne que : « Le simple citoyen, les gens ordinaires, comme aimait à les qualifier George Orwell[7] dans son œuvre, qui n’ont pas forcément une carte de presse, remettent en cause le quatrième pouvoir traditionnel pour en fonder un cinquième, celui des individus, car ils sont tous devenus un média »[8].

Il reste à se demander jusqu’où va aller la crédibilité du cinquième pouvoir ?

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Psychotechnologue de la communication numérique. Il est l’auteur de Marinoni, le fondateur de la presse moderne (1823 – 1904), Ed/ L’Harmattan 2009. En collaboration avec Jean-Paul Lafrance, il a écrit La bataille de l’imprimé à l’ère du papier électronique, Ed/ Les Presses de l’Université de Montréal, 2008.

[2] Edition liberté numérique, 2017.

[3] Professeur des universités, membre du CSA en France (Conseil supérieur de l’audiovisuel)

[4] Edition liberté numérique, 2017. P. 19.

[5] René-Jean Ravault, « Défense de l’identité culturelle par les réseaux traditionnels de « coerséduction », International Political Science Review / Revue internationale de science politique, vol. 7. No. 3., Politics and the New Communications : international implications (1986), pp. 251-280, https://www.jstor.org/stable/1600824?seq=1#page_scan_tab_contents.

[6] Eric Le Ray, Le journal sans journalistes ou le cinquième pouvoir des gens ordinaires, Ed/Liberté numérique, 2017, p.88

[7] Kévin, « Orwell et le socialisme des gens ordinaires », Le comptoir, 19 janvier 2015, yhttps://comptoir.org/2015/01/19/orwell-et-le-socialismedes-gens-ordinaires/.

[8] Eric Le Ray, Le journal sans journalistes ou le cinquième pouvoir des gens ordinaires, Ed/Liberté numérique, 2017, p. 96

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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