Le roman de Tahar Ben Jelloun Le mariage de plaisir[1] invite le lecteur à explorer les conséquences d’une relation extra-conjugale qu’entretient Amir avec Nabou, une peule de Dakar. Son séjour régulier pour : «  approvisionner son commerce en épices et en produits rares, Amir se rendait tous les ans au Sénégal et quittait Fès pendant de longs mois »[2] lui a donné le droit de s’offrir cette femme sous le signe de « mariage de plaisir ». Cette relation qui n’était qu’occasionnelle est devenue addictive pour Amir. Il a décidé de ramener Nabou au Maroc et la prendre pour deuxième épouse. C’est dans un climat tendu que se passait le quotidien de Nabou et Lalla Fatma. Cette dernière, épouse légitime, ne cessait pas de répéter que Nabou, de couleur noire, est forcément inférieure. Le destin a fait que Nabou ait deux enfants, Hassan et Hocine dont l’un est noir et l’autre blanc. Cette différence de couleur les a plongés dans un climat de racisme provenant des autochtones.

Rejet et racisme :

Quand le rejet de l’autre se fait machinalement, la moquerie devient l’arme qu’on utilise pour blesser : «  Si toi, le noireau, tu es le fils d’un nommé Amir, et bien moi je suis peut-être le fils caché de la reine d’Angleterre »[3]. Dans toute la trame narrative, il est question d’évoquer l’histoire du Maroc : « A la fin des années cinquante, Tanger, à la différence des autres grandes villes du Maroc, jouissait, grâce aux légations étrangères américaines, anglaise, italienne, française, espagnole, indienne, et allemande qui y étaient installées, du statut particulier de ville internationale »[4]. Le cosmopolitisme permettait d’accepter la diversité. Mais les temps ont changé. C’est à ce titre que l’auteur déplore l’intolérance qui règne : « Son crime, Hassan le portait non sur le visage mais sur le corps. Il était noir, et il était puni pour l’inconvénient d’être né ainsi. Ce n’était pourtant ni une tare ni une erreur. C’était humain, tout simplement. Il faudra un jour qu’on sache pourquoi la couleur d’une peau détermine à ce point le destin des hommes, pourquoi elle sauve certains, tandis qu’elle envoie d’autres directement en enfer »[5]. Le mariage de plaisir évoque l’enchaînement des événements et les péripéties auxquelles sont confrontés les marginalisés de la société.

[1] Tahar Ben Jelloun. Le mariage de plaisir. Ed/Gallimard, 2016.

[2] Id, p. 19.

[3] Ibid, p. 253.

[4] Ibid, p. 157.

[5] Ibid, p. 261.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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