La lecture de Paris Alger, une histoire passionnelle[1] nous situe dans le lien étroit entre la France et l’Algérie. Les deux auteurs, Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet ont démontré la dépendance qui existe entre les deux pays. Vouloir aller à l’encontre de cette réalité est un leurre: » Dans son bureau de la cité de l’immigration, l’historien se désespère du dernier livre d’Eric Zemmour, Le suicide français. «Avec Eric, nous sommes ce que la communauté juive d’Algérie pouvait produire de plus différent.» Les deux hommes ont pourtant un lien de parenté, par leur mère; le journaliste du Figaro est né à Montreuil, son père a grandi à Constantine au sein de la communauté juive et parlait arabe. Le premier militant de l’indépendance, compte de nombreux amis en Algérie, notamment au sein du régime. A travers ses livres et ses travaux, il n’a jamais vraiment quitté l’Algérie. Zemmour, lui, a coupé le cordon ombilical. Dans ses chroniques, il semble obsédé par le sujet Algérie. Sur I-Télé, «ça se dispute» le 18 avril 2014, à une journaliste qui le qualifie d’immigré, il répond sur la défensive: » Je ne parle pas de moi. D’abord, je ne suis pas un immigré. Je serais plutôt dans la position de l’Alsacien ou de l’Antillais. C’est la France qui est venue chez moi et qui m’a colonisé. Et je l’en remercie. L’Algérie n’existe pas». Cette négation prouve le complexe qu’ont certains envers leurs origines. Si Zemmour considère que l’Algérie n’existe pas comment alors la France a –t-elle occupé ce pays pendant 132 ans? Dès le début du livre, Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet relèvent une citation : «Napoléon III a dit un mot sage (peut-être soufflé par un ministre): » Ce qu’il faut à l’Algérie, ce ne sont pas des conquérants, mais des initiateurs.» Or nous sommes restés des conquérants brutaux, maladroits, infatués de nos idées toutes faites. Nos mœurs imposées, nos maisons parisiennes, nos usages choquent sur ce sol comme des fautes grossières d’art, de sagesse et de compréhension. Tout ce que nous faisons semble un contresens, un défi à ce pays, non pas tant à ses habitants premiers qu’à la terre elle-même»[2].

I-Que reste-t-il de la colonisation?

La présence du colon donne forcément des rapports de force. Le complexe d’infériorité ou de supériorité se manifestent par des comportements divers. Toujours est-il que chacun œuvre à démontrer son poids pesant vis-à-vis de l’histoire. En Algérie, une grande frustration est perceptible quant à l’utilisation de la langue: » Cette arabisation avait pour but d’empêcher l’entrée en Algérie des idées modernes qui amèneraient un jour le peuple à contester le pouvoir. L’arabisation a marginalisé une grande partie de la population, les Berbères et en particulier les Kabyles et les a poussés à l’exil» poursuit Boualam Sansal»[3]. Cette réalité prouve qu’:» Entre Paris et Alger, tout est politique»[4].                                         

Paris Alger, une histoire passionnelle est un livre d’une poignante actualité. Il révèle ce qui semblait être caché.

[1] Christophe Dubois, Marie-Christine Tabet, Ed/Stock, 2015.

[2] Extrait de Guy de Maupassant, texte établi à partir de l’article «Alger à vol d’oiseau», paru dans Le Gaulois du 17 juillet 1881 et publié dans le recueil de voyage, Au soleil.

[3] Christophe Dubois, Marie-Christine Tabet, Paris – Alger, un histoire passionnelle, Ed/Stock, 2015, p. 212.

[4] Id, p. 220.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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