Dans lettre ouverte au monde musulman, Abdennour Bidar s’adresse à ceux qui pourraient comprendre ses propos: « Ma Oumma (communauté des musulmans), c’est l’humanité. L’humanité de ces femmes et ces hommes de progrès qui portent en eux la vision du futur spirituel de l’être humain. Mais ils ne sont pas encore nombreux ni leur parole assez puissante. Tous ceux-là, dont je salue la lucidité et le courage, ont parfaitement vu que c’est l’état général de maladie profonde du monde musulman qui explique la naissance des monstres terroristes aux noms d’Al-Qaida, Al-Nostra, Aqmi ou « Etat islamique ». Ils ont bien compris que ce ne sont là que les symptômes les plus graves et les plus visibles sur un immense corps malade, dont les maladies chroniques sont les suivantes : impuissance à instituer des démocraties durables dans lesquelles est reconnue comme droit moral et politique la liberté de conscience vis-à-vis des dogmes de la religion ; prison morale et sociale d’une religion dogmatique, figée, et parfois totalitaire ; difficulté chronique à améliorer la condition des femmes dans le sens de l’égalité, de la responsabilité et de la liberté; impuissance à séparer suffisamment le pouvoir politique de son contrôle par l’autorité de la religion ; incapacité à instituer un respect, une tolérance et une véritable reconnaissance du pluralisme religieux et des minorités religieuses ; incapacité enfin à sortir de la conviction farouche, incrustée chez la plupart de tes fidèles et jamais remise en question, que l’islam est la religion supérieure à toutes les autres, qui n’a et n’aura jamais de leçon à recevoir de personne, ni jamais le moindre enrichissement spirituel à attendre de l’extérieur! »[1]. Cette vision que met en exergue l’auteur invite ceux qui prétendent détenir la vérité à se remettre en question. Toutefois Abdennour Bidar n’hésite pas à critiquer l’occident: « Et lorsque je regarde l’occident, je vois qu’il fait moins le fier qu’il y a encore quelques décennies. Il est dans de telles impasses à tous les niveaux qu’il n’arrive pas jouer au maître de l’univers. Enfin depuis sa renaissance au XVIème siècle, il s’est mis à douter de lui-même à force de crises économiques et à cause de son désarroi mental causé par la perte d’efficacité de son système et la dévaluation de ses valeurs »[2].                                                       

-Réconciliation et bonheur :

Abdennour Bidar explique  clairement dans Lettre ouverte au monde musulman, livre qui a déjà eu plus de trois millions de lecteurs, que le repli sur soi ne donne au résultat, que ça soit pour les prétendus détenteurs de la vérité ou l’occident qui : « a coupé le lien de la transcendance, toi tu t’en sers pour ligoter tes consciences et tes corps. Ni l’un ni l’autre ne comprenez ni ne maîtrisez plus rien au lien sacré avec l’infini »[4]. Le drame de notre siècle est de se concentrer sur nos différences, elles qui creusent les fossés de notre séparation. Pourtant il suffit simplement de voir avec son cœur pour déceler les ressemblances qui nous unissent. Nous aspirons tous aux mêmes choses: « Toi l’islam et toi l’Occident, réconciliez-vous! Et faîtes-le en vous ressaisissant ensemble de votre secret partagé-mais oublié des deux côtés- que la vie créatrice est le but de la fraternité le principe de notre vie spirituelle »[4].

 

[1] Abdennour Bidar, Lettre ouverte au monde musulman, Ed/Les liens qui libèrent, 2015, pp: 15-16.  

[2] Id, p. 37.

[3] Ibid, p. 48.  

[4] Ibid, p. 58.  

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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