La dernière nuit du Raîs [1] est le roman de Yasmina Khadra qui vient de paraître. C’est la vie de Mouammar Kadhafi qui est mise en exergue. La parole lui est donnée et les moindres faits menant à sa chute sont racontés. Au tout début, il se présente: « Je suis Mouammar Kadhafi. Cela va suffire à garder la foi. Je suis celui par qui le salut arrive. Je ne crains ni les ouragans ni les mutineries. Touchez donc mon cœur; il cadence déjà la débandade programmée des félons »[2]. Ne voulant jamais rendre les armes considérant qu’: « Un chef ne rend pas le burnous. Cette chiffe est en train de nous humilier tous autant que nous sommes »[3]. L’humiliation a occupé tout l’espace quand l’Irak a été envahi en 2003 par les Américains et de surcroît Saddam Hussein fut pendu le jour de l’Aîd. De cet événement, Yasmina khadra a imaginé un dialogue entre Mouammar Kadhafi et Saddam Hussein:

« Laisse-moi te rappeler que j’ai été pendu par l’Amérique et ses alliés. Mais toi, tu seras lynché par ton propre peuple.

-Ton peuple t’a trahi toi aussi.

-Ce n’est pas la même chose, Mouammar. Sous mon règne, l’Irak était une grande nation. Haroun Rachid n’a pas été meilleur souverain que moi. Mes universités produisaient des génies, Bagdad festoyait chaque soir, et chaque grain que je semais bourgeonnait avant de toucher terre. Mais toi, Mouammar, qu’as-tu fait de ton peuple? Une meute affamée qui te dévorera cru »[4].

Grandeur et décadence :

En représentant le pouvoir qui : « étant hallucinogène », Mouammar kadhafi véhiculé par la plume de Yasmina khadra pense qu’: « On n’est jamais à l’abri des rêveries meurtrières. De la garnison au palais présidentiel, il n’y a qu’un pas, et l’ambition démesurée prime les risques »[5]. Le risque a été pris et la fin fut tragique du défunt président libyen: « Je me croyais prédestiné à une fin somptueuse. Lorsqu’il m’arrivait de songer à la mort, je me voyais m’éteindre sur mon lit de patriarche, entouré de ma famille et de mes fidèles sujets. J’imaginais mon corps exposé au palais présidentiel orné de couronnes et d’étendards, des souverains et des officiels venus des quatre coins de la planète observer de longues minutes de silence devant ma dépouille fleurie, mon cercueil sur un char drapé d’oriflammes défiler sur les boulevards de Tripoli suivi par des millions de personnes inconsolables. Au cimetière plein à craquer, j’entendais les imams déclamer les sourates les plus bouleversantes pour le repos de mon âme et, aux pelletées de terre en train de me ravir à l’affection de mon peuple, répliquer des centaines des coups de canon afin d’annoncer au monde entier que l’inoubliable Mouammar n’est plus. Je me trompais »[6]. Ce n’est pas la fin espérée qu’a eu Mouammar Kadhafi. La dernière nuit du Raîs est une invitation à lire l’histoire en prenant en compte la responsabilité de l’occident et l’ingratitude du peuple libyen.

 

[1] Yasmina Khadra, La dernière nuit du Raîs, Ed/ Juilliard, 2015.

[2] Id, p. 12.

[3] Ibid, p. 43.

[4] Ibid, p. 139.

[5] Ibid, p.74.

[6] Ibid, p. 192.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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