Le One Man Show de Said Benyoucef, « Ah Ya lyam » (Oh les beaux jours) est un regard nostalgique, critique et tragicomique de l’immigrant qui quitte son pays vers sa nouvelle terre d’accueil.

Même si le personnage de Houaril dans la pièce de théâtre est d’origine Algérienne, la problématique de l’immigrant déraciné reste le même, quel que soit son origine. Ce que Abdelmalek Sayad, qualifiait de double absence est retrouvé dans le thème de Ah Ya lyam, en référence au passé qui est présent dans l’imaginaire de Houari qui pleure de ne pas être au pays et qui paradoxalement, après quelques jours passés au pays pleure parce qu’il ne trouve pas de billets d’avion pour retourner au Canada.

Son regard sur sa jeunesse est figé dans le temps. Et son retour à Oran est jalonné d’anecdotes qui en disent long sur une « société à plusieurs vitesses ».

De sa famille qu’il n’a pas revu depuis plusieurs décennies et qui s’attend à ce qu’il revienne les mains pleines, à sa grand-mère qu’il retrouve abandonnée dans un hospice sont quelques signes des changements qu’il découvre.

Ce retour au pays, Houari l’a voulu, car il sentait la nostalgie le ronger. Ce regard acerbe sur son immigration le fait idéaliser son pays d’origine. Or « les valeurs » qu’il a connu ont disparus. Les gens ont changés. Les rues ont changé et El Houma (le quartier) n’est plus la même. Les choses simples ne sont plus là dans une société qui est devenu de plus en plus matérialiste.

Pendant quatre-vingt-dix minutes, Said Benyoucef nous fait découvrir des personnages atypiques qu’il rencontre à Montréal sur Jean Talon, à Alger et à Oran. Ses rencontres avec sa famille et son entourage lui font réaliser qu’il a été trop longtemps absent de ce pays des beaux jours…

 

Entretien avec Said Benyoucef : « Je poursuis un projet artistique qui interpelle l’humain! »

Directeur artistique du Théâtre de l’atelier 83 à Hamilton en Ontario, Said Benyoucef qui fut comédien et metteur en scène au Théâtre régional d’Oran en Algérie pendant près de quinze ans avant sillonner le monde et de s’installer au Canada. À l’occasion de la représentation de « Ah Ya lyam », l’artiste a bien voulu répondre à quelques questions :

L’initiative : Quel est votre sentiment lors de votre prestation à Montréal ?

Said Benyoucef : Je suis satisfait parce que ça a permis de déplacer quelques férues de théâtre et quelques curieux…c’est comme ça que l’on commence par former un  public. Ça commence toujours par les réunir autour d’une idée et d’un sourire.

Pourquoi avoir choisi la dérision dans le thème de la pièce qui est empli de nostalgie?

Je me suis amusé en amusant tout en ne restant pas borderline. Il fallait chercher chez le public tout sur ce qui le préoccupe, l’interpelle et l’invite à une réflexion. Je parle d’abord de la situation et du statut de l’immigrant de manière un peu globale et schématique, puis j’arrive par ce biais à des digressions pour parler de la nostalgie et de la Houma.

Le choix de la nostalgie dans votre pièce était donc délibéré

Les plus belles œuvres nous viennent du passé. C’est l’essence même du théâtre qui est intemporel. En faisant cette pièce, je pense aux jeunes qui vont regarder leurs parents d’une autre façon et ils vont poser des questions sur le plan identitaire, quoi que je ne sois pas très fermé sur cette question de l’identité parce qu’elles sont souvent meurtrières comme le dit Amin Maalouf. Mais on ne peut pas vivre dénudé d’identité et sans repères…quelqu’un qui n’a pas de repères ne sait pas où aller.

Pourquoi choisir le personnage de l’immigrant ?

Je poursuis un projet artistique qui interpelle l’humain dans tous mes créneaux de création. J’essaye de questionner les personnages et de les faire parler…c’est ce qui m’intéresse le plus. Dans la pièce de théâtre l’immigrant vit entre deux rives, deux univers, deux imaginaires, deux réalités. Il vit entre le rêve et la déception. C’est ce qui est encore plus douloureux d’ailleurs, car il poursuit toujours un rêve ou un voyage. C’est l’autre côté; c’est le surpassement de soi; c’est l’inconnu; c’est l’aventure; c’est aller chercher ce que l’on ne trouve pas sur place et que l’on n’a pas vu sur place et que l’on n’a pas osé.

Les personnages que vous créez sont-ils réels ou imaginaires ?

Parfois je m’inspire dans le vécu que je transforme et que je sculpte à ma manière. Tout est créé à partir d’une réalité. Les personnages tournent autour de moi, j’observe beaucoup la société dans laquelle j’ai vécu et dans laquelle je vis et j’essaye de filtrer un peu et de sortir l’essence pour interroger de nouveau cette société.

Quels sont vos projets après Montréal ?

On essaye de trouver des contacts à Québec City pour diffuser la pièce un peu plus. On manque terriblement de contacts. La communauté n’a pas de marché du spectacle. Il faut passer par le mouvement associatif et par des contacts. Ce qui m’intéresse c’est de créer une plateforme de diffusion artistique pour la communauté afin qu’elle puisse se réconforter et satisfaire ce côté qui lui manque et combler le besoin culturel et de divertissement qui lui soit propre et auquel elle s’identifie.

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