Le roman « Les thermes du paradis » est un hymne à l’ouverture d’esprit et à l’amour. Dès l’ouverture du livre, nous lisons une citation de Romain Garry : « Il ne faut pas avoir du bonheur, c’est seulement un moment à passer ». Cette phrase témoigne de l’inquiétude que peut avoir une personne, dès lors que le bonheur frappe à la porte. Le plaisir réside plus dans la quête que dans l’aboutissement. A ce titre, Adèle qui travaille dans une pompe funèbre voit défiler les familles endeuillées: «Rien qu’aujourd’hui, j’ai eu cinq clients. Une retraitée, ancienne directrice d’école privée, m’a pris le cercueil Chenonceau en chêne clair aux poignées, de levage en cuire finement ouvragées, un monument funéraire en granit rose, une plaque mortuaire du même granit dédiée à son cher disparu ». (p.9). Dans la mesure où Adèle organise les funérailles, elle n’est plus dans le mouvement. Elle regarde vivre les autres sans pour autant s’impliquer: «Au bout du compte, c’est toujours la mort qui gagne, tout le reste c’est de la petite bière, disait mon père, après avoir conclu une affaire. Petite philo du croque-mort mais sagesse tout de même » (p. 74). Elle est toutefois en quête d’un bonheur, elle espère rencontrer quelqu’un qui lui donne l’envie de vivre pleinement: «..Une vie amoureuse sans feu ni affection suffirait à me donner l’illusion de ne plus être un corps mort » (p.75). Lors de l’anniversaire organisé par sa sœur Rose pour ses trente ans, elle rencontre Léo: « La tête enfouie sous l’oreiller, je ne pense qu’à lui. Je m’obsède jusqu’aux derniers repris de mon âme. Je revois son sourire, ses dents blanches, ses paumes de main roses et sa peau noire » (p .80). Léo est masseur aux thermes du paradis. Lorsque Adèle lui demande: -Où avez-vous appris à masser?- Au thermes du paradis, c’est la hammam de la cité du paradis. C’est là que j’ai rencontré Etienne, enfin le professeur Drumont. C’est un fidèle client. – Je croyais que vous étiez un de ses patients. – Je suis d’abord son masseur. Quand je lui ai appris que je n’avais plus de médecin pour s’occuper de mes yeux, il m’a proposé de venir le consulter » (pp: 77-78). Léo est en effet aveugle. Souffrant de cécité, Adèle est très amoureuse de lui. Elle n’arrive même pas à dormir: « Je retourne me coucher, je ferme les yeux, je compte les moutons, les cercueils, les corbillards, les chrysanthèmes, les crucifix, rien à faire le sommeil ne vient pas. (p. 80). Pensant fortement à Léo, qui est devenu timide: «Avant quand je voyais clair, j’avais beaucoup d’audace avec les filles…maintenant» (p. 112). Un handicap de quelle nature puisse-t-il être influe forcément sur le comportement avec les autres. Il peut engendrer des complexes, des frustrations. Devenir aveugle: « c’est ne plus pouvoir se regarder dans la glace, ne plus savoir si on est beau ou laid, c’est être dans le vide absolu puisque rien n’arrête votre regard » (p.116). Cette réalité n’a pas été une entrave pour Adèle. Elle l’aime et c’est tout ce qui compte. Elle a déployé tout ce qui était en son pouvoir pour qu’il retrouve la vue en prenant en charge son opération couteuse aux États-Unis. A la lumière de cette idée, Akli Tadjer: « Si on veut aider un aveugle à traverser la rue, on ne le pousse pas dans le dos, il n’est pas en panne d’essence » (p.130). Aider l’autre revient à ne pas froisser sa sensibilité plutôt l’aider à se relever. Dans ce sens Paulo Coelho écrit dans «La manuscrit retrouvé » : « Le pire n’est pas de chuter mais de rester accroché au sol » (p. 36). En effet devenir aveugle est synonyme de chute qui laisse statique. La présence de Adèle a non seulement changé le regard de Léo mais lui, en retour a offert une raison noble de vivre. Le partage réside dans les gestes les plus simples comme le précise Paulo Coelho dans «Maktûb » : « Ce n’est pas un péché que d’être heureux. Il n’y a aucun mal à transgresser de temps en temps certaines règles en matière d’alimentation, de sommeil ou de bonheur. Ne vous culpabilisez pas si parfois vous perdez du temps à des vétilles. Ce sont les petits plaisirs qui sont nos plus grands stimulants ». Etre heureux, c’est être dans un état où l’on est en mesure d’accepter de rencontrer l’autre malgré son handicap. Lamia Bereksi Meddahi (L’initiative) 1-Akli Tadjer, Les thermes du paradis, Ed/JC Lattès, 2014. 2-Paulo Coelho, Le manuscrit retrouvé, Flammarion, 2013. 3-Paulo Coelho, Maktûb, Ed/Anne Carrière, 2004.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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