Suite aux événements tragiques qui ont eu lieu tour à tour à Saint-jean-sur-Richelieu puis à Ottawa, nous nous sommes dirigés à la ville d’Ottawa en compagnie de notre confrère Fayçal Farhi de Echourouk TV pour revenir sur le lieu même où Michael Zehaf-Bibeau a tué le caporal Nathan Cirillo. Notre démarche journalistique était animée par la volonté de donner la parole aux militaires qui étaient présents devant le Monument commémoratif de guerre, ainsi qu’aux membres de la communauté musulmane. Nous nous sommes adressé à un officier qui ne souhaita pas répondre à nos questions, mais nous encouragea dans notre démarche. Nous avons contacté le service de communication de la police d’Ottawa qui n’a pas souhaité se prononcer et nous référa à la GRC qui est en charge de l’affaire. Le lundi 27 octobre coïncidait donc avec la réouverture du Parlement au grand public.

L’ambiance devant le Monument commémoratif était solennelle et les visiteurs apportaient des fleurs pour se recueillir en mémoire du caporal Cirillo. Nous nous sommes approchés des visiteurs d’origine musulmane pour avoir leur impression, mais ils refusèrent de se prononcer prétextant qu’ils ne font pas de politique. Leur refus de s’exprimer est compréhensible dans la mesure où la crainte d’être pointé du doigt est un sentiment qui est très présent au sein de la communauté musulmane lorsqu’un acte criminel est perpétré au nom de l’islam, comme c’était le cas avec Michael Zehaf-Bibeau qui aurait eu, selon la GRC, des raisons idéologiques et politiques pour agir ainsi.

Les raccourcis qui stigmatisent

Le fait est que lorsque survient un attentat, les membres de la communauté retiennent leur souffle et se disent souvent « pourvu que ce ne soit pas un musulman qui est l’auteur de tel ou tel crime». Pis encore, et c’est là où le bât blesse, lorsque l’on observe le traitement de l’information qui est fait par les médias dominants, le mot terroriste est aussitôt associé au termes Islamiste/Islam/Musulman. Dès lors, les membres de la communauté s’empressent de condamner les actes terroristes et de rappeler que les « terroristes » ne représentent pas les musulmans comme nous pouvons le constater par exemple sur Facebook à travers la campagne « Not in my name (pas en mon nom) ». D’autres clament que l’islam ne prône pas la violence en dépit des efforts d’intégration de la communauté tel que l’annonçait le communiqué du Centre Culturel Algérien1. Consciente des dérapages que cela peut causer, la classe politique se préoccupe des risques de stigmatisation qui peuvent survenir à l’encontre de certaines communautés, comme c’était le cas dans le communiqué de Québec Solidaire2. La peur d’être stigmatisé suite à ce genre d’événements est intériorisé par la communauté musulmane qui redoute les réactions des autres communautés, comme le confiait Hailey, une étudiante à Ottawa et convertie à l’islam : « Les personnes qui tuent ne nous représentent pas en tant que musulmans. Je pense que c’est tragique ce qui s’est passé. Je redoute la réaction de la communauté qui ne sait pas ce qui s’est réellement passé. Je ne devrais pas avoir peur de sortir de chez moi, de prendre le bus ou de faire les choses que j’avais l’habitude de faire. J’avais peur de venir au centre-ville d’Ottawa, mais je pense que c’est important de donner une bonne représentation de nous au contact de la communauté. C’est pour cette raison que je suis venue présenter mes respects aux soldats et apporter des fleurs. C’est une question de respect »

Ensemble contre la violence

D’ailleurs d’aucuns pensent qu’il est nécessaire de se prononcer haut et fort pour démontrer le rejet de la violence, comme en témoigne Kat convertie elle aussi à l’islam depuis deux ans : « Je pense que ce qui est arrivé à Ottawa est tellement triste. Je suis complètement contre les actes terroristes. Ce n’est pas ce que l’islam prône ». Dans ce contexte, des citoyens se sont mobilisés le 27 octobre dernier au centre Saint-Pierre à Montréal pour dénoncer les actes terroristes, qui sont commis au nom de l’islam. L’objectif de cette conférence était de mieux appréhender les répercussions que cela peut avoir sur la communauté musulmane.

Des citoyens comme les autres

Suites aux actes de violence, des actes d’intimidations ont pu être observés à la mosquée de Cold Lake au nord-est d’Edmonton qui a été vandalisée. Même si des inscriptions sur la façade de l’édifice disaient « rentrez chez vous », des citoyens de Cold Lake ont prêté mains forte aux membres de la communauté musulmane pour nettoyer l’édifice et remplacer les messages de haines par des messages de paix. C’est là tout un symbole qui démontre que les citoyens ne sont pas dupes en dépit de tous lesimbroglios politiques et médiatiques qui peuvent surgir, puisqu’ils savent discerner le vrai du faux, comme le révèle Dirss, un étudiant libyen qui réside à Ottawa : « La nouvelle était désolante dans un pays où les habitant sont aimables. En tant qu’étudiant d’origine arabe et ressortissant arabe, j’ai trouvé que la situation était dramatique. Je pense que certains musulmans donnent une mauvaise image de l’islam et des musulmans. Cependant, je pense que la majorité des Canadiens et surtout ceux qui côtoient les musulmans savent que ces personnes ne représentent ni l’islam, ni les musulmans. Je suis outré par ce genre d’agissements qui instrumentalisent l’islam. Je me sens en sécurité et je ne pense pas que le regard des Canadiens visà-vis de la communauté musulmane va changer à cause de ces agissements. Je souhaite dire aux Canadiens, que ces personnes ne représentent pas les musulmans. Ces actes de violence ne nous représentent pas ».

Par Réda Benkoula

1Communiqué du Centre Culturel Algérien : Tueries d’Ottawa et de St-Jean sur Richelieu, in www.linitiative.ca

2Acte violent à Ottawa : Déclaration officielle des porte-parole de Québec solidaire, in www.linitiative.ca

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