Au Canada et comme chaque année, les provinces et territoires réexaminent le taux du salaire minimum en vigueur. À compter du 1er mai 2022, le salaire minimum au Québec passera à 14,25 $ l’heure, soit une augmentation de 0,75$ l’heure. Le salaire minimum des employés au pourboire passera à 11,40$, représentant une augmentation de 0,60$. Cette hausse a été annoncée le 14 janvier 2022 par Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

Cette hausse bénéficiera aux 301 100 personnes au Québec, soit 6.97% de la population active que compte le Québec (4 319 000 personnes en emploi en octobre 2021). Elle représente une augmentation de 5,55% qui permettrait d’atteindre la cible du gouvernement représentant un ratio de 50% entre le salaire minimum et le salaire horaire moyen, et ce, pour la période 2022-2023.

Dans un contexte inflationniste (taux d’inflation est de 5, 1% en janvier 2022 au Québec), une telle hausse du salaire minimum protègera-t-elle le pouvoir d’achat des travailleurs au salaire minimum ? Nous ferons ici le point sur ce réexamen annuel et analyserons ses retombées.

Un salaire minimum à 14, 25 $ permet-il de s’affranchir de la pauvreté ?

Dans une économie basée sur la rémunération salariale, toute personne travaillant à temps plein devrait s’affranchir de la pauvreté. Ne pas réaliser l’objectif en question est considéré comme une défaillance du marché.

Il y a quelques années, rappelons-le, le mouvement du salaire minimum à 15 $ qui avait pris naissance aux États-Unis a entrainé une résonance au Canada et dans la province du Québec (voir le numéro du février 2018 de L’initiative). Des organisations syndicales et des collectifs revendiquaient alors un salaire minimum à 15$ l’heure au Québec. Désormais, cette revendication est revue à la hausse pour exiger un salaire minimum à 18$ l’heure pour sortir de la pauvreté.

En effet, la hausse prochaine du salaire minimum (5,5%) correspond presque au taux d’inflation actuel au Québec (5,1%), mais les prévisions indiquent que l’inflation poursuivrait son ascension comme le montre le 12e Rapport canadien sur les prix alimentaires à la consommation (Université Dalhousie, Nouvelle-Écosse), qui prédit que la famille canadienne moyenne dépensera 966$ de plus pour se nourrir en 2022. Face aux pressions inflationnistes qui demeurent nombreuses, la valorisation prochaine du taux du salaire minimum serait insuffisante pour protéger le pouvoir d’achat des milliers de travailleurs au salaire minimum, et moins encore leur permettre de s’affranchir de la pauvreté. Sur cette question, il est intéressent de citer le revenu viable établi depuis 2015 par l’équipe de recherche de l’IRIS (Institut de recherche et d’informations socioéconomiques). Il s’agit d’un indicateur qui calcule un panier de biens et services donnant accès à une vie digne, exempte de pauvreté. Pour l’année 2021, cet indice pour une personne seule vivant à Montréal correspond à un revenu net de 28 783 $. Après impôt, ce revenu viable correspond presque (95%) à un emploi à 35 heures par semaine avec un salaire à 18$ l’heure, et cela nous ramène au salaire minimum revendiqué par de nombreux syndicats et collectifs. En effet, les recherches menées par l’IRIS ont permis d’établir qu’une hausse rapide du salaire minimum aura des effets bénéfiques, avec des retombées économiques positives tant au Québec qu’au Canada. Il est à rappeler que la hausse importante du salaire minimum ontarien en 2018 n’avait pas occasionné des effets néfastes dans cette province. Ces recherches vont dans le même sens des travaux du Canadien David Card (prix Nobel d’économie 2021) ayant démontré que la majoration du salaire minimum n’a pas provoqué d’effets indésirables, notamment une réduction du nombre d’emplois au New Jersey.

Sofiane Idir

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