Le roman l’enfant de l’œuf de Amin Zaoui paru aux éditions le serpent à plumes relate la vie du chien Harys et celle de son maître Moul : « Moi : Je m’appelle Harys. Quelle étrange appellation, n’est-ce pas ? Un nom roumi collé à un être vivant appartenant à un pays musulman, la Berbérie ou Tamazgha.

Tous les noms ou presque autour de moi sont des noms composés. Tous commencent par « Abd » qui signifie serviteur ou esclave en arabe, suivi d’un des quatre-vingt-dix-neuf-noms de Dieu énumérés dans le coran : Allah, Rahmane, Nour, Salem, Madjid, Hamid, Malek, Kader…Les hommes, les vieux comme les jeunes, toutes générations confondues, portent ces noms composés comme pour dissimuler une hypocrisie sociale et religieuse »[1].

L’auteur donne la parole au chien en lui permettant de donner son opinion quant à son nom : « Je m’appelle Harys. En toute franchise, depuis le premier jour où on m’a nommé ainsi je n’ai jamais aimé mon nom. Et je ne l’aime toujours pas. Je ne l’aimerais jamais, point ! Du tout ! Mais on ne choisit pas son nom, ni ses parents. J’aurais souhaité être appelé Kader ou Rabah ou Mokhtar, Amin ou Moumou. J’adore le nom Amin ! Il me va comme un gant ! Comme un aboiement !

Quand j’entends quelqu’un appeler : Amin !, je me retourne et je suis jaloux. Il y a trois ou quatre Amin dans le quartier ! Je maudis mon maître qui m’a collé cette merde de nom Harys »[2]. Cette façon de procéder nous rappelle La Fontaine. En effet, une sensibilité marquante se dégage du chien Harys. C’est à travers lui que les desseins des sous-entendus sont évoqués : « Au téléphone, mon maître parle à ses amis universitaires en usant d’un arabe étrange et compliqué ! Avec moi, on communique en français. Avec sa maman Lalla Sakouna, en kabyle. De ma vie, depuis que je suis ici, je n’ai vu sa maman, elle ne lui a jamais rendu visite. J’ai toujours imaginé que Moul était un enfant de l’œuf ! Il est sorti d’un jaune d’œuf ! Moi aussi je comprends et l’arabe algérien et le kabyle. En me parlant en français, Moul désire me faire croire qu’il est un enfant d’œuf civilisé ! Quelqu’un de branché ! Gentleman, en mesure d’assurer une bonne éducation à un chien fourvoyé comme moi. Un chien fidèle »[3]. L’idée du conformisme et de la pensée unique est mise en avant : « Dans cette ville où j’habite, comme dans n’importe quelle ville du pays, l’Algérien n’irait jamais imaginer qu’un Arabe puisse être chrétien. Dans l’imaginaire algérien celui qui parle arabe est automatiquement musulman. Obligatoirement musulman ! L’arabe est la langue de l’islam. Il n’y a pas d’arabe non musulman »[4]. Dans les confusions qui naissent entre la religion et la langue, les interprétations se multiplient au détriment du droit sacré qu’est la vie.

Interroger la religion pour se remettre en question :
L’auteur cite un hadith : « Le prophète a dit : « Trois créatures, se trouvant entre le prieur et la direction de la kaaba, affectent la prière et la rendent illicite : la femme, l’âne et le chien »[5] .
À travers ce verset, toutes les questions peuvent être posées. Elles suscitent des réponses qui ne vont pas forcément dans le sens de ce que nous voulons entendre mais du raisonnement logique que doit suivre chaque époque.

Lamia Bereksi Meddahi

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[1] Amin Zaoui, L’enfant de l’œuf, Ed/ Le serpent à plumes, 2017, p. 9
[2] Id, p. 36.
[3] Ibid, p. 35.
[4] Ibid, p.44
[5] Ibid, p.82. Les passages du Coran cités par l’auteur sont traduits par Mohamed Chiadmi dans son livre Noble Coran publié en 2004 Ed/ Tawhid.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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