A la lecture du dernier roman de Rachid Boudjedra Printemps nous nous trouvons face à un ensemble de réflexions quant à ce qui s’est produit dans le monde arabe: « Depuis l’assassinat d’Oulog Beg par son propre fils et les derviches tueurs (déjà!) de Samarkand (1442) depuis la chute de Grenade (1492) et le monde arabo-musulman est mort. Il est liquéfié dans la théologie bon marché, dans le fatalisme et dans la superstition que les charlatans de tout bord et les prêcheurs médiocres ont transformée en philosophie religieuse indiscutable et immuable. Assassiné Oulog Beg parce qu’il avait écrit que «la religion était provisoire et la science définitive » ou quelques choses d’approchant de ce genre» . Le point de divergence a été la religion. Et de ce fait naissent les conflits, les peurs, les guerres et où la mort devient le but convoité: « Il arrive toujours un moment dans l’histoire des hommes où tout devient crucial, vital, indispensable et qu’il n’y a qu’une seule façon de s’en sortir: la mort. C’est-à-dire une sorte de mort dans les deux sens: que l’on donne et que l’on reçoit ». A partir de l’instant où la mort n’est plus une fatalité elle se transforme en un mouvement de révolte qui, comme l’explique clairement Rachid Boudjedra : « Une révolution ce n’est pas l’immolation par le feu d’un pauvre chômeur humilié quotidiennement (combien de chômeurs, de paysans se suicident chaque jour en Europe? Mais là, discrétion absolue!). Une révolution c’est quelque chose de très structuré, de terriblement efficace et organisé avec un parti fort, un chef charismatique, une idéologie forte qui transforme les rapports sociaux de fond en comble. Qui met l’homme à sa place, à son centre » . Or ce qui s’est produit dans le monde arabe est le fruit non d’une organisation pour atteindre la voie de la démocratie mais il est le résultat d’un ras-le bol du dirigeant qui a longtemps représenté le pouvoir. De ce fait, tout un mouvement s’est formé pour réclamer le départ du président. Mais que représente le président si ce n’est un ensemble d’idées qui demandent à être respectées par le peuple. Seulement le peuple n’a pas compris que la religion relève du domaine privé et non public. Dans cet amalgame aveugle, l’idiotie bat son plein en enfantant des ignorants: « Cette énorme tromperie dont ces jeunes auront été des dindons parfais, consentants et idiots. Donc béats. Mystiques. Mystifiés. Enfoncés dans une sorte de béatitude religieuse, prêts à mourir et à dîner le même soir avec le prophète Mahomet parce qu’ils sont les déchets des écoles. Parce qu’ils sont analphabètes ». L’auteur rappelle: « Oulog ne cessait de répéter que la religion était un frein au développement de la science qu’il vénérait et dont il était un élément important, en tant qu’astrophysicien avec ses 1018 étoiles découvertes, répertoriées, étiquetées et pourvues de jolis noms de femmes ». En effet Printemps met en exergue un ensemble d’événements vécus dans le monde arabe, des erreurs commises. Considérer la religion comme un refuge n’a aucun fondement puisque la science est le seul remède au mal de ce siècle. La science mène au développement et à la liberté et non à l’enfermement et à la destruction. Comprendre les erreurs est d’une certaine façon réécrire L’Histoire.

Lamia Bereksi Meddahi (L’initiative)

1-Rachid Boudjedra, Printemps, Ed/Grasset, 2014.

2-Id, p. 146.

3-Ibid, p. 246.

4-Ibid, p. 182.

5-Ibid, p. 246.

6-Ibid, p. 224.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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