Un sculpteur s’exécute minutieusement pour tracer de manière précise les traits du jeune soldat. Inconsolable, sa mère observe la statue et essuie ses larmes comme si elle venait d’apprendre la nouvelle. Pourtant, son fils Dimitri a perdu la vie il y a quelques mois. Les deuils sont longs, on le sait. Ce qu’on connaît moins, c’est les façons de guérir après une épreuve de la sorte. Que les parents partent les premiers, c’est dans l’ordre des choses. Que les enfants meurent avant eux, c’est moins évident.

Dimitri avait 21 ans et s’était enrôlé dans les forces armées russes pour «défendre la patrie.» Et il a perdu la vie sur le champ de bataille. Le réalisateur Alexander Abaturov est son cousin. Dans Le fils, il a voulu décrire le vide qu’a laissé le départ de ce jeune homme. Sa caméra suit parallèlement les parents de Dimitri et ses compagnons d’armes. En quoi s’est engagé Dimitri en faisant partie de l’armée? Comment ses parents s’y prennent-ils pour vivre avec son absence? C’est à une réflexion sur la mort, le deuil et les contradictions de la guerre, à laquelle nous convie Abaturov. Car, même si le désarroi s’empare des parents du jeune soldat, il n’y a aucune remise en question du choix du fils.

Bien au contraire, leur deuil passe par une exaltation des valeurs de l’armée, un supposé courage que doit posséder tout soldat, et une force qu’ils doivent tous posséder «pour tuer» au bout du compte. Un cercle vicieux s’y dégage ainsi : la mort et le deuil ne représentent pas un moment d’arrêt ni d’introspection, mais se transforment plutôt en leitmotiv pour poursuivre la guerre par d’autres moyens.

Le fils | Réal : Alexander Abaturov| (Russie, France, 2018) | russe, S.T. anglais | 71 min

Eduardo Malpica Ramos

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