Mon père encore en doute[1], huitième roman de Saphia Azzeddine, met son père au cœur de la narration. Il est le modèle à suivre, l’homme à craindre et à respecter en même temps. L’éducation transmise à ses enfants, partagée entre la tradition et la modernité, est le guide de l’auteure.

Entre les vacances à Figuig et la vie en France, des directives quant au bon comportement se font remarquer dans différentes situations.

Gâter ou mater ?

Écrire c’est témoigner, reconnaître. Saphia Azzeddine donne toute sa reconnaissance envers un père qui valsait entre la rigueur et l’éducation. Le fait d’être privé de son père dès son jeune âge lui a, au fond, donné une fragilité latente et une assurance apparente. Intransigeant lorsqu’il est question du sens de l’honneur, il ne courbe pas l’échine même si ça va aboutir à l’enrichissement. Lui dont la mère était tellement pauvre que dans son biberon se trouvait du thé vert plutôt que du lait. Une enfance marquée par la misère oriente ses réactions, souvent à fleur de peau. Maitrisant mal le français, la prononciation du mot frigogidaire l’a motivé à suivre des cours à l’alliance française. Ses lectures s’orientent vers la période qui voyait fleurir le monde arabe. Il rappelle à sa fille, Saphia la découverte de Ibn Firnas. Il a conçu une des premières horloges, puis une manufacture de verre correcteur. Un homme occulté dans l’Histoire mais que le père de l’auteur aime citer. Un père qui a son propre angle de vision quant à la Ligue arabe. Il remémore l’instant où Kadhafi a porté un gant blanc pour serrer la main des dirigeants parce qu’il ne voulait pas se salir les mains « Un chef d’État digne de ce nom qui ne se courbe pas devant ces ventres du péché et ces cochons grattés ».

De l’histoire familiale à l’Histoire qui trace les époques, Saphia Azzeddine ouvre la voie sur des instants où l’humour et la complicité sont omniprésents. A ces beaux moments s’ajoute l’attitude de la mère couturière. Très discrète, elle met de l’ordre dans un foyer où la propreté est de mise. Un couple qui coule des jours heureux en élevant ses enfants avec le sens de l’honneur.

Les mots dans Mon père encore en doute sont choisis pour monter au lecteur qu’un père, malgré sa rigueur, reste à point de repère.

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Saphia Azzeddine, Mon père encore en doute, Ed/Stock, 2020, 260 pages.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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