Maud Ventura a collaboré avec France inter, Louise Media et NRJ. Après des études de philosophie, elle travaille dans l’audiovisuel. Mon mari[1] lui a valu le prix du premier roman.

Dès le début, l’auteure cite Marguerite Duras dans l’Amant : « Je n’ai jamais écrit, croyant le faire, je n’ai jamais aimé, croyant aimer, je n’ai jamais rien fait qu’attendre devant la porte fermée ».

Dans l’ère où la parole de la femme s’est libérée, elle dénonce les mauvais agissements de l’homme. Elle ne se soumet plus et n’a plus peur de dire ce qu’elle subit en cachette. Cette vision est prise à contre-courant dans le roman Mon mari. En effet, la narratrice sur laquelle repose le récit est follement amoureuse de son mari. Elle raconte dans son journal son ressenti. Les moindres détails sont décrits au point où le lecteur arrive à imaginer aisément ce dont elle parle. Bien que présents, les enfants ne sont là que pour cimenter les sentiments de cette mère qui n’a d’yeux que pour son époux. Elle souligne : « C’est toujours mon mari qui choisit la musique. C’est lui qui constitue la playlist de notre vie amoureuse et renouvelle régulièrement la bande-son de notre vie de famille. Mon mari donne le ton » (p. 144). Elle constate tout, absolument tout : « La nuit, on dirait que mon mari est sur le point d’exploser de rire, qu’on lui raconte une anecdote qu’il trouve très drôle entre deux rêves » (p. 34). Ce détail explique que le protagoniste est non seulement dans l’admiration mais aussi dans une position où il est spectateur de ce qui se déroule sous ses yeux.

Du lundi au dimanche, la femme prend note des erreurs commises par l’époux. Elle réfléchit au genre de subterfuge dont elle pourrait se servir pour arriver à ses fins. C’est dans ce cadre, que le lecteur assiste à une scène très étonnante. Bien qu’elle réserve un amour démesuré à son mari cela ne l’empêche pas d’enfreindre les règles. C’est dans ce sens que le paradoxe des sentiments prend forme.

Le lecteur se demande alors si l’excès de vitesse dans l’expression du ressenti n’aboutit pas à un certain moment à un effet contraire sur soi. Le monologue, qui quelque part, est le rejet de l’autre exclut l’esprit du dialogue. Le repli sur ses propres pensées fait naître parfois une mélancolie non perceptible chez les autres. A la lumière de cette idée Maud Ventura rappelle les propos de Pascal : « Nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons pas ».

Le roman Mon mari, valsant entre le rire et la dérision, raconte l’histoire d’une femme, certes amoureuse, mais ce qu’elle a fait à un moment du récit donne profondément à réfléchir sur les bases des sentiments dans un couple où il est question non d’une seule mais de deux personnes.

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Maud Ventura, Mon mari, Ed/L’Iconoclaste, 2021, 351 Pages.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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