Un regard éclairé vers l’avenir et des promesses qui ne cessent de se raffermir. Des projets, une originalité, des engagements… Une harmonie qui se veut imitative en rapport avec l’aphorisme de connaître d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Un précepte annonçant non seulement un principe d’une conduite mais aussi une philosophie de toute une attitude à entreprendre afin de perpétuer les coutumes et les traditions kabyles au sein de la conscience collective de la société.

Si Tilyuna Su écrit en tamazight, ce n’est nullement pour chercher à se faire valoir, plutôt sommée de transmettre l’essence de ses richesses avec bon sens tout en sachant donner du relief à tout ce qui se projette au-delà des brouillards épais et des visions bornées, les ténèbres en soi refoulées et les mauvaises passions chassées.

Destiné aux consciences férues de justice, « Timegraḍ yessawalen » – qu’on peut traduire par « Les résonances sanguinaires » – est le titre du roman de Tilyuna Su sorti récemment aux éditions Tira. Volontairement choisi comme tel pour sa connotation poétique et littéraire bien qu’il véhicule un double sens à la fois sibyllin et catégorique, l’auteure retrace la vie de quelques individus à qui on a ôté la vie par un ordre établi se nourrissant de sang des vivants, ce désordre penché plutôt sur l’immoralité que sur l’amoralité, sur l’adversité que sur la félicité. Imaginant un monde meilleur que celui exploré par sa plume en étant du côté des classes dominées, cette société des prolétaires et des aborigènes vivant à la sueur de leur front cherchant à s’affranchir de la sujétion, la violence brute comme devise, Souad Chibout, avec élégance, cherche à instaurer face à des pratiques inégalitaires et à travers un verbe truculent une justice sociale couleur d’une résilience vis-à-vis du relâchement des politiques, des iniquités en tous genres, des changements structurels à la société, du respect pour toutes les femmes et des injustices et aspérités auxquelles elles se heurtent. Tout s’interprète, tout se dessine et tout se traduit à qui sait lire entre les lignes ce magnifique roman écrit avec sa langue et la couleur de son sang dénonçant farouchement l’excès des arbitraires et les pauvretés sociales et morales associées.

Si la misère et le silence habitent ses personnages plongés dans la détresse, le cri du cœur de Tilyuna Su cultivant l’intrépidité et son âme de poétesse se nourrissant de subtilité et de gravité, eux, ils se pavanent en toute liberté en cherchant à dissiper le spleen tout en affichant et affirmant les crispations identitaires auxquelles s‘achoppent les utopies de nos temps figés. Sans fard et privé de toute exubérance futile, le roman se veut un texte montrant les chemins escarpés de la vie à la faveur de l’esprit qui lie évasion avec voyage intime, autosatisfaction avec délectation, béatitude avec goût de vivre, et conditions de vie justes et équitables pour tous les hommes et femmes avec l’accès aux besoins fondamentaux et vitaux.

L’amour du verbe, une passion la plus achevée de toutes les tendances, transcendant et l’imaginaire parfait et l’inexprimable que la pensée cherche à définir et peindre. Source de toutes les créations équivoques, réalité et fantaisie mêlées, les mouvements de sa plume s’organisent de telle sorte à équilibrer les forces tranquilles de l’âme pour ainsi être à la merci de sa lectrice et de son lecteur. De connivence avec le choix d’un verbe qui résiste au temps, les tribulations de ce dernier sont de sa bonne volonté ce que sa plume est à l’acquiescement de ses exigences. Si l’être humain vit dans un état permanent de changements, de flottements, parfois lents, parfois diligents quand tout erre en soi dans le noir, mais c’est dans ses manifestations extérieures que la lumière jaillit, le mal tentaculaire extirpé. Certes, il y a de la noirceur dans ce livre, mais il y a aussi beaucoup d’éclairage illuminant les crises de l’adolescence, les crises de milieu de vie, et les crises de l’âge mûr.

Tilyuna Su se dévoile ici comme elle le faisait dans ses Compact Discs, car l’écouter chanter ou suivre l’enchaînement et la contagion de ses mots valides sur papier, cela revient à vivre autrement et à errer plus librement, le bon sens et la raison dans la matrice de sa langue maternelle ressuscitée. Ni la perte de ses valeurs, ni le déracinement de sa culture, ni le décroissement et l’extinction de son vocabulaire ne seront, désormais, dans sa terminologie. Ce sera toujours un verbe qui fera de son semblable un concurrent afin de frôler l’idéal espéré, et de son auteure, dans sa vocation profonde et puissante, une maîtresse douée cherchant à bâtir un monde capable de fusionner les bienfaits pour toutes les nations opprimées.

Mohand Lyazid Chibout (Iris)

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