Éditrice et chroniqueuse radio à Casablanca, Loubna Serraj a déjà publié Pourvu qu’il soit de bonne humeur[1] aux éditions la croisée des chemins en 2020 au Maroc. Réédité en 2021, l’auteure a été lauréate du 3ème prix orange du livre en Afrique.

Ce roman qui traite la violence conjugale en convoquant le dialogue entre la petite fille Lylia et sa grand-mère Maya prouve que ce sujet récurrent est toujours d’actualité.

L’histoire ne se répète pas forcément :

Maya, la grand-mère dont le poids des coups a été très lourd n’est plus. C’est sur les traces de sa vie que sa petite fille Lylia mène les recherches. Elle s’interroge sur cette violence de la part de son époux Hicham dont elle a été victime. Pourquoi personne n’a réagi pour la secourir ? Son dossier médical en main, Lylia s’informe des différents traumatismes subis tels que blessures génitales et déchirures de la paroi vaginale, traumatismes thoraciques avec volet costal, ecchymose et traces de strangulation autour du cou, lésions musculo-tendineuses au niveau de l’épaule droite…etc. La liste est longue de ce que le corps de Maya a encaissé et ce de 1939 à 1969. Cette femme qui a eu dix enfants avec un homme violent a pris une décision ferme. Sans l’accord de son époux et avec la complicité du médecin, elle a suivi les propos de Virginia Woolf : « L’affaire est de se libérer soi-même : trouer ses vraies dimensions, ne pas se laisser gêner » (p. 290). C’est autour de cette idée que se tisse le roman. Maya, convaincue que Hicham atteint son corps et non son esprit, arrive à s’évader à travers la lecture. Ce monde qui nourrit et incite à l’imagination donne les clés pour ne pas sombrer. Le rouge et le noir de Stendhal a été tel une bouée de sauvetage pour Maya. Même Faîza, la femme avec qui Hicham la trompe ne la révolte pas. Elle lui fait plutôt rappeler « La douce et soumise Célia Conti, de La chartreuse de Parme de Stendhal » (p. 176).

À travers le récit, le lecteur découvre Georges. Un homme qui a croisé le chemin de Maya. Avec sa beauté, elle l’a envouté. Comme il dit : « Cette femme m’a troublée, m’a perturbée, est entrée dans ma tête et s’est installée pour ne plus en ressortir. De toute façon, je n’ai jamais voulu qu’elle en sorte » (p. 294).

Dans le dilemme où s’inscrivent les sentiments humains se trouve un homme qui aime en silence et l’autre qui maltraite. Entre les deux se trouve la femme en train de chercher une issue à son désarroi.

En citant le nom des femmes qui ont marqué l’Histoire, tel que Touria Chaoui, première aviatrice marocaine et arabe, l’auteure s’appuie sur des événements pour faire le rapprochement avec la société contemporaine. Si Lylia représente la nouvelle génération, elle reste toutefois à l’écoute d’un passé douloureux. Sa relation avec Rhani démontre son comportement frileux. À cet instant les rôles s’inversent. Ce n’est plus la femme qui dit : « pourvu qu’il soit de bonne humeur » mais c’est Rhani qui, craignant la réaction de Lylia affirme : « Pourvu qu’elle soit de bonne humeur ».

Le roman Pourvu qu’il soit de bonne humeur rappelle que l’angle de vision peut changer, il suffit juste d’être en mesure de se libérer soi-même.

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Loubna Serraj, Pourvu qu’il soit de bonne humeur, Ed/ Au Diable Vauvert, 2021. 341 Pages.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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