Réalisatrice, scénariste et écrivaine, Laetitia Colombani a publié La tresse (2017), Les victorieuses (2019), Le cerf-volant[1] (2021).

Dans Le cerf-Volant l’auteure revient sur le chemin de l’Inde. C’est au village Mahabalipuram que Léna, personnage principal, pose ses valises. Elle arrive dans un pays où les enfants travaillent comme les adultes. Ils sont dans l’obligation d’aider les parents parce que la misère ne les épargne de rien. Cette injustice subie par les rejetons a donné à réfléchir à Léna. Pourquoi ne pas mettre en place une école et offrir la possibilité aux enfants d’apprendre à lire et à écrire ?

Entre dévouement et désarroi

Quand elle arrive en Inde, Léna est « saisie par la densité de la foule, le bruit, les klaxons qui résonnent, les embouteillages au milieu de la nuit » (p. 23). Ce qui l’impressionne c’est le refus des parents que leurs enfants aillent à l’école. Ils sont convaincus qu’apprendre à lire et à écrire ne sert à rien. À leurs yeux, le travail est payant et il permet de ne pas mourir de faim. Cette réalité amère que constate Léna, paradoxalement, l’aide à oublier la peine vécue un certain après-midi de juillet. Elle se rapproche de Preeti. Une fille dont la mère souffrait d’une affection des poumons que les traitements prodigués par le médecin du dispensaire local n’ont pas permis de soigner. Elle décède quelques mois après. Baptisée Holy par les cousins de la mère, Preeti se retrouve démunie du jour au lendemain. Ni père, ni mère, même le prénom lui a été changé. Perdue au milieu d’un monde qui lui est étranger, elle travaille sans nécessairement prendre conscience de ce qu’elle rate en n’allant pas à l’école. La présence de Léna dans cet univers lui a fait découvrir que les filles sont victimes d’injustice, de viol et de maltraitance. Livrées comme un objet au premier venu, les filles sont prises au piège des traditions qui mine leurs quotidiens. Dans cette pénombre, Léna tente de leur ouvrir les yeux mais elle est désemparée face au mariage « précoce » de Lalila.

Léna, Preeti et Lalila représentent trois destins, en apparence différents, mais se rejoignent dans le besoin de s’en sortir. Léna a souffert un certain après-midi du mois de juillet. Sa peine a été immense. Son apport et son investissement en Inde a été tel un remède dont a besoin le malade. En d’autres termes Léna a certes été très touchée par ce qui se déroule dans le village Mahabalipuram mais elle est aussi fragile dans tout ce qu’elle a enduré. En s’inscrivant dans le triangle de Karpman qui comprend, le persécuteur, la victime et le sauveur elle suscite la réflexion sur les traditions qui représentent le bourreau. Elles reposent sur le dos des filles. Lourdes sont- elles quand elles écrasent leurs ambitions.

Le cerf-volant un roman écrit dans une langue fluide, accessible, met le projeteur sur l’éducation. Elle est l’unique issue pour pouvoir accéder à la liberté de penser et d’agir.

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Laetitia Colombani, Le cerf-volant, Ed/Grasset, 2021, 204 pages.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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