La France est à refaire[1] de l’auteur Saber Mansouri invite le lecteur à ouvrir les yeux sur des réalités qui sont occultées par ceux qui gouvernent. L’auteur rappelle les propos de Lao-Tseu : « En paraphrasant Lao-Tseu, parlant du grand Etat, il me semble qu’on régit un empire comme on fait frire un poisson. Avec délicatesse et une certaine grâce politique, un art de gouverner l’immensité par l’estime des siens et des peuples conquis »[2].

Cette estime débute par connaître son peuple en tenant compte des différences. Puissent-elles s’inscrire sur le plan culturel ou religieux, elles ne sont pas censées isoler. C’est dans cet esprit que l’auteur met en exergue les défaillances de la République française.

Regarder le pays avec les différences qui le composent :

Gouverner ce n’est pas tourner le dos à son peuple mais être à l’écoute de l’esprit cosmopolite qui caractérise le pays. Gouverner c’est ouvrir les yeux sur l’autre qui est considéré comme l’étranger et le voir comme faisant partie de sa composante. À ce titre Saber Mansouri écrit : « Au cœur de cette patrie universelle, Le cahier d’un retour au pays natal, Le discours sur le colonialisme et Nègre je suis, nègre je resterai seraient devenus Français je suis Français je resterai. Et Camus aurait écrit mon compatriote au lieu de LEtranger »[3]. Il est souvent question d’être stigmatisé pour que le rejet de l’autre se voie justifié. L’Histoire témoigne que le triomphe ne se fait qu’en incluant au lieu d’exclure, élever au lieu de mépriser, jouer les notes de l’égalité au lieu de discriminer. C’est sur la vision de Lao-Tseu que l’auteur appuie ses arguments. Des faits historiques servent de support à son analyse que nous jugeons très pertinentes. Elles servent de prise de conscience à ceux qui ne voient pas que le racisme prend une grande ampleur. Une nation qui est censée rassembler se transforme en une nation qui divise et rejette. Celui qui est considéré comme « l’étranger » se retrouve dans un état d’isolement qui l’incite paradoxalement à se démarquer. Le livre La France est à refaire rejoint la pensée de Nietzsche : « Nous n’avons pas le droit d’être en quelque matière isolés, nous n’avons pas le droit de nous tromper et d’atteindre la volonté d’une manière isolée. Bien plus, c’est avec la nécessité par laquelle un arbre porte ses fruits que poussent en nous nos pensées, nos valeurs, nos « oui » et nos « non » (…) Tous apparentés et reliés entre eux, et témoins d’une volonté, d’une santé, d’une terre, d’un soleil, sont-ils à votre goût nos fruits ? Mais qu’importe cela aux arbres ! Que nous importe à nous philosophes ! »[4].

La France est à refaire scrute les événements historiques dans les moindres détails et rappelle que les séquelles de la colonisation sont toujours perceptibles.

Lamia Bereksi Meddahi        

[1] Ed/Passés composés, 2019.

[2] Id, p. 12.

[3] Ibid, pp : 17-18.

[4] Nietzsche, Généalogie de la morale, Ed/Flammarion, 2002, p. 26.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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