Auteur prolifique, en 2019 Yasmina Khadra écrit L’outrage fait à Sarah Ikker. Un événement a totalement ébranlé la vie de Driss. Dès son retour de la fête où il devait remplacer le commissaire Rachid Baaz, il a trouvé son épouse Sarah dans un état qui fait penser à un viol. Cet état est retrouvé dans le roman Pour L’amour d’Elena[1].

Diego et Elena sont épris l’un de l’autre depuis l’enfance, à l’Enclos de la Trinité. Dans ce lieu perdu dans l’État mexicain de Chihuahua, ils se sont promis monts et merveilles mais un jour Elena a été violée sous le regard impuissant de Diego. Tout s’est effondré et le rêve n’est devenu qu’un lointain souvenir. Face à l’inertie de Diego au moment de son viol, Elena dit : « L’homme de ma vie ?…Tu parles d’un homme ! » (p.24). Cette phrase sonne tel un marteau piqueur dans sa tête. Il n’a rien pu faire.

Elena s’est enfuie à Ciudad Juárez, la ville la plus dangereuse au monde. Les sentiments de Diego sont forts et il ne supporte pas son absence. Il part à sa recherche, accompagné de son cousin Ramirez. On dit qu’elle est partie avec Osario. C’est sur lui que l’attention est concentrée. Dans leur parcours périlleux, ils tombent sur des situations inextricables.

L’amour réservé à Elena semble guider Diego dans tout ce qu’il entreprend. Seulement une grande ambiguïté naît chez le lecteur quand il se trouve dans le labyrinthe des agressions à Ciudad Juárez. Elles prennent une place considérable dans le roman au détriment d’un ressenti du personnage qui est censé tout faire pour reconquérir sa bien- aimée. Des enquêtes qui sont éloignées du sujet initial sont menées compliquent la compréhension. La disparition d’Elena motive certes le déplacement de Diego vers ce village dangereux mais Pour l’Amour d’Elena parait prendre l’amour comme prétexte pour découvrir ce que cache Ciudad Juárez : «Chaque matin se lève avec un tas de promesses pour rentrer le soir, une main devant, une main derrière, du sang sur l’une, du cambouis sur l’autre. Ciudad Juárez en est, sans conteste, la parfaite illustration » (p. 329).

Pour l’Amour d’Elena interroge toutefois les sentiments latents qui peuvent occuper un cœur. Mais le parcours fait pour retrouver l’être cher est t- il suffisant pour panser la blessure de celle qui a été abandonnée dans un moment où la chair n’était qu’épave aux yeux de l’agresseur. Cette question témoigne du fait que la femme reste sous le joug d’un homme qui cherche non pas à retrouver l’amour perdu mais à se réconcilier avec lui-même et de se prouver qu’il n’a pas été lâche à un moment donné.

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Yasmina Khadra, Pour l’amour d’Elena, Ed/Mialet Barrault, 2021, 330 Pages.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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